Alors que, le jour de notre visite, les agriculteurs français ont les yeux rivés sur les colzas et les orges, Christophe Urban, exploitant à Grayssas, dans le Lot-et-Garonne, est déjà lancé dans la fauche de son blé. C’est émerveillé par sa machine, qu’il nous explique cette technique, qu’il pratique sur 200 hectares cette année. Un enthousiasme que l’on partage, tant le chantier est rare dans les champs de l’Hexagone.

Une technique venue du Canada

Ce n’est pas un insecte mutant échappé de la centrale nucléaire de Golfech (Lot-et-Garonne) qui fonce vers nous dans les coteaux jaunis par les épis de blé. Il s’agit bel et bien d’une automotrice John Deere unique qui approche. Fraîchement importée du Canada par Christophe, la Windrower D450 et sa coupe à tapis 625D ont pour mission de faucher la culture, pour la conditionner sous forme d’andain. Une fois sec, celui-ci est ramassé par une moissonneuse-batteuse classique.

Cette technique lui a été inspirée par les Canadiens, qui la pratiquent depuis longtemps sur de grandes surfaces. « Le temps entre le fauchage et la récolte est de quatre à six jours, en fonction de la culture et de la météo. Lorsque cette dernière se montre capricieuse, la deuxième partie devient plus complexe », confie l’entrepreneur. Le système est compatible avec de nombreux types de cultures, notamment les céréales, les betteraves porte-graines ou les pois. Mais il est véritablement plébiscité pour le colza et, surtout, pour le colza semence.

Une machine rapide et agile

C’est à une allure de 10 km/h que la Windrower fauche et andaine le blé. Une transmission hydrostatique assure la liaison entre l’essieu avant et le moteur 6 cylindres 6,8 l de 200 ch. Grâce à ses roues arrière folles et sa direction par ripage, l’automotrice se déplace agilement dans les petites parcelles du Lot-et-Garonne, qui ne sont pourtant pas son habitat naturel. Sa large coupe à tapis lui permet de ramener 7,77 mètres de cultures sur un andain central. La voie large de la Windrower et sa garde au sol haute donnent un espace suffisant pour passer au-dessus de l’andain, sans le toucher. Ces grandes dimensions lui confèrent une bonne stabilité face aux imperfections du terrain. La voie est identique à celle de la moissonneuse, afin de passer sur les mêmes traces et réduire le tassement du sol, qui aurait pu être un point négatif, du fait du passage de deux machines.

Récolter dix jours plus tôt

« Le problème récurrent dans une moisson classique est que, même quand les grains sont secs, la tige est encore verte, explique Christophe Urban. Si l’on choisit de récolter à ce moment, les grains seront hétérogènes. Si l’on décide d’attendre que tout soit parfaitement sec, les gousses les plus hautes deviennent fragiles et risquent de s’égrainer. En fauchant la culture lorsque la tige est verte, l’ensemble au sol va sécher et devenir homogène. »

Ainsi, l’agriculteur récolte une culture entièrement sèche et sans risque d’égrainer. En outre, il peut le faire très tôt, une à deux semaines avant les dates habituelles. Il peut donc implanter ensuite un dérobé ou un couvert. L’exploitant prend l’exemple d’une de ses parcelles : « Une fois ce blé ramassé, je vais semer un dérobé de soja, que je vais récolter à la fin de l’été, pour implanter à nouveau une culture d’hiver. Ma parcelle est donc plus rentable. »

Meilleure en bio

Et Christophe de poursuivre : « Cette technique apporte un avantage insoupçonné. Le Gers et le Lot-et-Garonne sont des territoires où le bio est le plus présent en France. On sait que les parcelles en agriculture biologique contiennent, en général, une certaine quantité d’adventices humides au moment de la récolte. Avec notre technique, elles ne ralentissent pas le chantier de fauchage et elles sont complètement sèches au passage de la moissonneuse-batteuse. »

Ceci permet à l’entrepreneur de gagner du temps et de fournir un travail de meilleure qualité et plus économique qu’une moisson conventionnelle à ses clients bio. Pour les travaux classiques, Christophe observe une économie de carburant de 5 litres par heure lors du passage de la moissonneuse. Le coût de l’opération reste cependant élevé, puisqu’il faut compter un peu plus de 150 euros par hectare pour une moisson complète en blé. Une charge qui est compensée par l’implantation de la deuxième culture.