Avec bonne humeur, Adeline Peron consacre son énergie à vendre des légumes de qualité. À 30 ans, cette fille d’agriculteurs est à la tête de deux entreprises en Beauce : une exploitation céréalière de 83 hectares et une SARL de maraîchage sur 2 hectares qu’elle a créée avec son frère Guillaume.
Des talents aux bottes en caoutchouc
Pourtant, elle n’était pas destinée à la production. Sa préférence va à la vente. Après un bac STAV (sciences et technologies de l’agronomie et du vivant), elle obtient un BTS en management et une licence pro en création et reprise des PME. Et la voici vendeuse dans un magasin de vêtements. En parallèle, en 2013, un voisin de ses parents part à la retraite. Il lui propose de reprendre ses terres. Adeline hésite, puis accepte. Trois ans plus tard, après un voyage dans le cadre du 4L Trophy et quelques mois à travailler pour une mutuelle, elle troque ses chaussures à talons pour des bottes en caoutchouc. « J’avais envie d’avoir mon propre magasin et de travailler dehors », explique Adeline.

Une stratégie d’entreprise
Adeline se rapproche alors de son frère Guillaume, également céréalier, pour lancer une activité de maraîchage. Ensemble, ils assurent la vente à la ferme et sur les marchés, et la production de légumes.
Pour les céréales, elle commercialise les grains. Elle vend tout à Agropithiviers et s’implique dans cette coopérative en tant qu’ « administratrice stagiaire ». « C’est très intéressant de voir toute la stratégie de l’entreprise ou le fonctionnement des marchés. J’apprends beaucoup », se réjouit Adeline, qui est la première femme à participer au conseil d’administration.
Les céréales sont cultivées sous le cahier des charges CRC (culture raisonnée contrôlée). Toute la ferme (pommes de terre, betteraves, etc.) est en cours de labellisation HVE (Haute valeur environnementale) niveau 2. Adeline espère atteindre le niveau 3, mais certaines filières ne valorisent pas encore ce label. « C’est beaucoup de traçabilité. À 30 ans, je ne vais pas vous dire que c’est compliqué. Mais je comprends que pour des agriculteurs plus anciens, ça le soit. »

Pour les betteraves, elle les livre à Cristal Union. « Après la fermeture de la sucrerie de Toury, je n’ai pas une bonne image de cette production. Mais je garde mes parts sociales car je suis convaincue qu’on en aura besoin pour fabriquer de l’éthanol », ajoute la jeune femme, qui a réduit la surface de 10 à 4 ha.
Les tomates, 45 % du chiffre d’affaires
Pour obtenir des points pour le label HVE et allonger sa rotation, Adeline innove cette année et parie sur la livèche, une aromatique qu’elle a plantée sur 4 ha cet hiver (lire l’encadré). La productrice a aussi tiré parti des zones de non-traitement riverain pour implanter des courges à la place de l’orge.
Ce que préfère Adeline, c’est le maraîchage. Lors de la création de la SARL Les Jardins de Beauce, en 2017, elle et son frère investissent 85 000 € dans une grande serre, deux petites, un petit tracteur et un semoir.
Une serre est consacrée aux fraises et une autre aux tomates. Une cinquantaine de variétés de légumes et de fruits se répartissent sur les 2 ha de périmètre maraîcher : framboise, épinard, salade, choux, et même melons et pastèques. Adeline échelonne les plantations en commençant par des plants achetés. « Les tomates représentent 45 % du chiffre d’affaires, je n’ai pas envie de les rater. Pour les courgettes, j’achète quelques plants sous serre, puis je fais mes semis pour l’extérieur. »
Autodidacte en la matière, elle suit les conseils de la chambre d’agriculture d’Île-de-France pour le choix des rotations et des variétés. Elle ne traite « presque rien », désherbe à la main et utilise quelques bâches.
Après cinq ans d’activité, les clients en redemandent et la maraîchère ne regrette pas son changement de vie. Elle est « sereine, libre d’esprit » et a plein de projets en tête. « Je cherche toujours de la place dans les serres. Mais on va attendre que le premier prêt s’arrête avant de réinvestir ! »
Aude Richard