« Surmenage, angoisse, relations conflictuelles, incompréhension, sentiment de solitude… sont autant de facteurs qui pèsent sur la santé des éleveurs et bergers faisant face au problème de la prédation du loup sur leurs troupeaux », résume l’Inrae, qui a publié le 25 mai 2022 l’étude « Face au loup — Étude socio-anthropologique des effets de la présence des loups sur la santé des éleveurs et bergers. »
Financée par la Caisse centrale de la MSA, cette étude de deux ans rend compte des enquêtes de terrain, d’entretiens avec différents acteurs du pastoralisme ou encore de témoignages d’éleveurs et de bergers réalisés par les auteurs Frédéric Nicolas et Antoine Doré.
> À lire aussi : Prédation, des attaques de loups dans près d’un département sur deux (14/06/2022)
L’angoisse prédomine
« Notre enquête montre l’existence d’une colère, d’une détresse ou d’un véritable abattement des professionnels du pastoralisme, qui ne relèvent ni de la mise en scène ni de la manipulation, tel que pourrait le laisser penser le débat public autour de la question de la prédation », écrivent les auteurs.
Parmi les éleveurs et bergers interrogés, le sentiment d’angoisse prédomine : environ trois quarts le citent comme un effet de la présence du loup.

Les auteurs notent également que les personnes touchées ont « fréquemment souligné » qu’il « [fallait] le vivre » pour comprendre ce qu’est une attaque de loup. Les éleveurs et bergers interrogés ont d’ailleurs souvent reconnu se sentir « difficilement concernés avant que la zone dans laquelle ils exercent leur activité soit touchée », relèvent Frédéric Nicolas et Antoine Doré.
Effets directs et indirects
Les effets de la prédation du loup sur les éleveurs et bergers sont dépendants de plusieurs facteurs. Le caractère nouveau du problème est notamment cité, la problématique pouvant, à force de répétitions, devenir une « normalité ». Les situations géographique, topographique, météorologique (bonnes ou mauvaises visibilité et audition) ou encore la cohabitation avec d’autres activités font également varier ces effets.
Ces derniers peuvent être directs, avec un impact psychologique fort et une modification du travail par l’apparition de nouvelles tâches chronophages de protection des troupeaux. Mais également indirects, avec une dégradation progressive de la réputation de ces professions par un agribashing opposant la place de l’élevage et celle du loup.
> À lire aussi : Accompagnement, pas d’improvisation lors de la mise en place d’un chien de protection (12/05/2022)
« La remise en question du rapport des éleveurs et bergers au vivant, à la nature et à l’environnement contribue ainsi à la dévalorisation du métier, ce qui en retour peut avoir des effets sur l’estime de soi et sur la place des professionnels du pastoralisme dans leurs espaces de sociabilités », ajoutent les auteurs de l’étude.
« La présence des loups vient aussi révéler et accentuer des tensions entre plusieurs groupes institués qui composent le monde de l’élevage. Déjà crispées, les relations entre les propriétaires des troupeaux et les bergers se compliquent avec l’arrivée des loups », constatent-ils encore.
> À lire aussi : Indemnisation, les pertes indirectes liées à la prédation en cours d’évaluation (11/05/2022)
Anticiper la protection sur les fronts de colonisation
S’appuyant sur cette étude, la Confédération paysanne s’exprimait le 31 mai 2022 via un communiqué pour soutenir l’anticipation de la protection des troupeaux sur les fronts de colonisation. « Les éleveurs et éleveuses nouvellement prédatés doivent être eux aussi systématiquement informés sur la mise à disposition des mesures de protection d’urgence et sur les droits des éleveurs et éleveuses à recourir aux tirs de défense », estime-t-elle.
Le syndicat demande également que « les prélèvements de loups soient effectués en fonction des dégâts aux troupeaux et non dans un cadre de gestion de l’espèce. L’objectif central des prélèvements doit être la baisse de la prédation. »