359 voies, il en aurait fallu une de plus pour que l’accord commercial entre l’Union européenne et le Maroc soit retravaillé. À Bruxelles, ce mercredi 26 novembre 2025, les eurodéputés ont finalement rejeté la proposition de résolution contestant certains points du récent accord négocié par la Commission européenne avec le Maroc, début octobre.

Un vote négatif mais « une victoire symbolique »

« Malheureusement l’objection n’a pas été adoptée, déplore Jean Thévenot, agriculteur basque syndiqué à la Confédération paysanne. Mais le fait de voir une majorité de partis, tous confondus, qui vont dans notre sens, c’est une victoire symbolique et politique. » Pour rappel, la situation du Sahara occidental ne fait pas consensus parmi les États membres. La France reconnaît la souveraineté marocaine sur ce territoire mais ce n’est pas le cas de l’Irlande, par exemple.

En ce jour de vote, réunis à Perpignan à l’appel de la Confédération paysanne, une soixantaine d’agriculteurs venus de toute la France brandissent des pancartes. Certains sont perchés sur un tracteur qui bloque l’accès d’un entrepôt. Le lieu n’est pas choisi au hasard. Ils manifestent devant le principal centre de logistique de l’entreprise Azura, premier importateur européen de fruits et légumes en provenance du Sahara occidental.

Les maraîchers français dénoncent la concurrence déloyale des fruits et légumes originaires du Sahara occidental, vendus bien moins cher que les leurs. (© Confédération paysanne)

Ce territoire disputé de 266 000 km2 sous contrôle marocain produit notamment une grande quantité de tomates et de melons « dans des conditions sociales et environnementales catastrophiques », soutient Thomas Gibert, porte-parole de la Confédération paysanne, présent à la manifestation.

« Nous sommes ici pour dénoncer la concurrence déloyale que les maraîchers et maraîchères français subissent face à des produits vendus dix fois moins chers que les leurs, poursuit celui qui vend aussi des fruits et légumes en Haute-Vienne. Nous sommes aujourd’hui incapables de sortir un revenu décent de nos productions. On galère ! »

Un accord commercial passé « au mépris du peuple sahraoui »

Pour le syndicaliste, l’importation de produits venus du Sahara occidental est aussi “illégale”, car leur étiquetage ne respecte pas les normes européennes : “Ils sont marqués de l’origine Maroc, au mépris du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui qui n’a jamais accepté le moindre accord commercial et travaille dans les serres pour une misère, entre 60 et 70 centimes de l’heure.”

Dans l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Maroc, selon la Confédération paysanne, « il y a les territoires occupés du Sahara occidental dont les entreprises multinationales pillent les ressources sans aucune retombée économique pour les populations locales ».

Un délai de 12 mois pour « se mettre en règle »

Début octobre 2024, la Cour de Justice de l’Union européenne a invalidé les accords commerciaux entre Bruxelles et le Maroc conclus en 2019. Par la suite, l’Union européenne a obtenu un délai de 12 mois pour se « mettre en règle », indique une source proche du dossier. En ce mois de novembre 2025, cette échéance arrivait à expiration. Pour se conformer à la décision de justice, dans la nouvelle mouture de l’accord, la Commission européenne propose de créer des règles d’étiquetage basé sur le nom de régions marocaines, une mesure inédite.

Ce mercredi 26 novembre 2025, malgré un vote très serré, les eurodéputés ont validé cette proposition. La position de Benoît Cassart, eurodéputé belge, membre de Renew, est très claire : « Annuler ou fragiliser cet accord mettrait en danger le partenariat multidimensionnel avec un partenaire fiable, le Maroc. »

La Confédération paysanne poursuit son combat contre le groupe Azura

Face à cette décision, Thomas Gibert, porte-parole de la Confédération paysanne, monte au créneau. « Il y a 30 ans, nous étions autonomes sur les fruits et légumes en France. Aujourd’hui, nous importons près de 50 % de notre consommation, affirme-t-il. C’est autant de fermes qui ont mis la clé sous la porte du fait de la concurrence déloyale depuis des décennies, à cause des traités de libre-échange. »

Pour faire entendre ses revendications, la Confédération paysanne a décidé de poursuivre son combat en assignant le groupe Azura devant le juge français, pour fraude douanière et mauvais étiquetage des produits.