Produire, tout en tenant compte de l’environnement et sans écarter l’économique. Un défi que la filière de la luzerne entend relever, comme l’a démontré Eric Masset, président de La Coopération Agricole luzerne de France, à l’occasion du troisième symposium luzerne organisé dans la Marne, le 8 février 2024.

Un potentiel mellifère remarquable

« La luzerne, c’est l’emblème de l’agroécologie », a-t-il scandé, rappelant les nombreux services rendus par la légumineuse pour la structuration des sols, contre l’érosion, pour la préservation de la qualité des eaux, pour lutter contre les pollutions azotées ou encore pour protéger et rendre service à la biodiversité, notamment pour son potentiel mellifère remarquable.

Sur ce dernier point, Eric Masset a rappelé le succès de la mise en place du programme Apiluz, rendu possible grâce à un travail collectif mené avec l’association Symbiose et la filière apicole. « Laisser des bandes de luzerne non fauchées permet le développement de la biodiversité comme jamais on peut avoir dans cette grande région agricole qu’est la Champagne », analyse-t-il. En 2023, 1850 kilomètres de bandes ont ainsi permis de nourrir des pollinisateurs.

Organisations de producteurs

Le projet Apiluz porté par l’association Symbiose, dont l’objectif est de développer la ressource alimentaire des pollinisateurs en laissant des bandes de luzerne non fauchées prend de l’ampleur d’année en année. En 2023, 1 850 km de bandes ont été dénombrés. (©  Bertille Quantinet)

Si ce projet a pu voir le jour et perdurer jusqu’à présent grâce à des financeurs privés, ce sont des fonds opérationnels européens qui prendront le relais pour les années à venir, accessibles à la filière grâce à la création récente d’organisations de producteurs.

Plus de revenus pour les agriculteurs

Mais la filière souhaiterait aller encore plus loin en allant chercher toujours plus de valeur ajoutée et de revenus pour ses producteurs. « La luzerne, ce sont des services écosystémiques qui ne sont pas à ce jour rémunérés à leur juste valeur à l’agriculteur », dénonce Eric Masset.

Un propos que partage Erik Orsenna, qui intervenait comme grand témoin de ce symposium. « Ce qui me frappe, c’est que les agriculteurs sont rémunérés pour à peine la moitié de leur travail. Ils sont rémunérés pour les produits alimentaires qu’ils nous offrent et grâce auxquels on peut vivre, mais pas pour le reste. Ils s’occupent de l’environnement et ne sont pas rémunérés pour cela. Il faut trouver des solutions qui permettraient d’avoir une assiette de revenus plus large qui correspondrait à la réalité de la mission des agriculteurs », a insisté l’écrivain et académicien.

L’apport de la luzerne aux autres cultures

L’intérêt agronomique de la luzerne a également été évoqué lors de la conférence, notamment par Christian Huyghe, directeur scientifique de l'agriculture à l’Inrae. « Quand on entend que la luzerne n’est pas rentable économiquement, on omet ce qu’elle apporte aux cultures suivantes. Il est nécessaire de réfléchir “successions culturales” et non de penser “culture par culture” de façon indépendante », a-t-il insisté.