«Sur l’exploitation, le bouleversement n’a pas été la conversion en agriculture biologique en 2009, mais le changement de système dix ans plus tôt », assure Jacky Savin. Lors de son installation en 1991 à Parthenay-de-Bretagne en Ille-et-Vilaine, l’exploitation comptait 33 ha de SAU, un atelier porcin naisseur-engraisseur de 180 truies, ainsi qu’un quota laitier de 160 000 l. « J’étais en système conventionnel intensif, avec des vaches prim’holsteins produisant plus de 9 000 kg de lait par an, se souvient l’éleveur. Seuls 8 ha étaient implantés en herbe, et le reste en maïs fourrager. »

À l’aube des années 2000, l’atelier lait rencontre quelques difficultés. « En 1999, nous accusions d’importants problèmes de reproduction sur l’atelier laitier, expose Jacky. Peu de vaches parvenaient à faire plus de deux veaux. Le système alimentaire basé sur le maïs ensilage et le soja était coûteux, et les résultats technico-économiques se dégradaient. Ce fut un déclic pour faire évoluer mes pratiques pour plus d’autonomie. »

Cap sur l’herbe

C’est le point de départ d’une transformation en profondeur. Peu à peu, Jacky fait la part belle à l’herbe dans son assolement. « Les conditions pédoclimatiques nous permettent d’avoir de l’herbe toute l’année, et nous disposons d’un parcellaire portant et accessible, rapporte l’éleveur. Il fallait donc miser sur le pâturage. »

Toutefois, une telle mutation ne s’improvise pas. « Pendant deux à trois ans, la charge de travail a été très importante avec l’implantation des prairies, la mise en place des clôtures, l’installation du réseau d’eau, et surtout l’apprentissage de la gestion de l’herbe. »

En parallèle, l’éleveur débute le croisement de ses prim’holsteins avec des taureaux jersiais. Les produits seront de nouveau croisés avec des mâles montbéliards, rouge scandinave, bruns ou normands, « afin d’obtenir davantage de variabilité génétique, ainsi que des animaux plus rustiques », indique Jacky. Pour valoriser le pâturage, le groupage des vêlages au printemps est initié à partir de 2004. Les vaches destinées à la réforme sont utilisées comme nourrices pour l’élevage des veaux. « Les génisses sortent à l’herbe dès l’âge d’un mois. Elles se nourrissent au pâturage et sont allaitées par les vaches nourrices. Aucun aliment n’est utilisé. »

À l’arrivée de Gwenaël Chuinard en 2008, l’exploitation est prête pour la conversion en agriculture biologique. La démarche est engagée en 2009. Trois ans plus tard, le maïs ensilage est abandonné définitivement. « Le semis et le désherbage mécanique tombaient en même temps que les périodes de vêlage et d’insémination », observent Gwenaël et Jacky.

Depuis, l’alimentation du troupeau repose entièrement sur l’herbe. « Nous avons organisé le pâturage des vaches en cinquante paddocks de 70 ares, soit un are par vache et par jour, exposent-ils. Les animaux ne restent jamais plus de deux jours sur la même parcelle, et le délai de retour est de cinquante jours. »

Zéro concentré

L’herbe pâturée représente 70 % de la ration annuelle des laitières. L’enrubannage et le foin sont utilisés en période hivernale et en cas de déficit de la pousse de l’herbe l’été.

Lancé vingt ans plus tôt, le pari de l’autonomie alimentaire est désormais gagné. « Nous n’achetons plus d’aliment du marché », se félicite le tandem. Avec un coût alimentaire de 40 €/1 000 l et un prix du lait de 474 €/1 000 l en 2017, le défi de la rentabilité semble également relevé.