Depuis trois saisons, l’André-Yvette reprend la mer à Port Blanc-Baden (Morbihan). Ce bateau, en bois et au gréement traditionnel, transporte à son bord des particuliers, mais surtout une longue histoire. Il est sorti en 1936 d’un chantier de Camaret-sur-Mer (Finistère) et porte les prénoms des enfants de son commanditaire. « L’André-Yvette est l’aînée des trois gabares françaises encore en état de naviguer », explique Romain Bartolini, son capitaine. Avec deux associés, ce trentenaire a décidé de sauvegarder cet ancien navire de travail de 27 mètres. « Comme une voiture de collection, il a beaucoup de cachet et son entretien ne s’arrête jamais ».

Sa première fonction est de transporter jusqu’à 80 tonnes de sable vers les chantiers de construction, au départ du port de Lampaul-Plouarzel. Puis, pendant la seconde guerre mondiale, on charge dans ses cales du vin et des pommes de terre, approvisionnant les habitants des îles de Molène, Ouessant et Sein. La gabare participe ensuite à la reconstruction de la ville de Brest, réquisitionnée pour y apporter du granit, du ciment, des galets et du charbon.

« Son nouveau propriétaire en 1966 en fait un goémonier, poursuit le capitaine. Deux chevaux de trait sont embarqués et débarqués à Molène. Ils aidaient à rapprocher le goémon du bateau. Une fois séchées, les algues servaient de combustible aux usines de soude, et une partie était destinée à l’amendement des champs ».

L'André-Yvette contourne l'Ile aux Moines. (© Alexie Valois)

Sa carrière aurait pu finir là. Mais transformé pour la plaisance puis restauré par une association pour l’enfance et la jeunesse (PEP 56), l’André-Yvette accueille des séjours de cohésion et de reprise de confiance en soi par la navigation. Le vieux gréement nécessite la participation de plusieurs personnes.

Désormais Romain, les marins Tom ou Mathilde, réclament des volontaires ravis de forcer sur leurs muscles pour voir se dresser les lourdes voiles cachou. La couleur vient du tannage de protection, à base de suif et d’écorces de pin. À la barre, le capitaine reste très vigilant face au courant du golfe du Morbihan, le deuxième plus fort d’Europe. Les passagers contemplent les sublimes paysages côtiers de la petite mer, de l’île aux Moines, de la Jument et d’Arz.