« Jusque dans les années 2010, j’ai eu un assolement emblématique de ma région : colza, blé, orge », se souvient Denis Jamet, exploitant agricole en Champagne Berrichonne, dans le Cher, à l’occasion d’une journée nationale sur la création variétale, organisée le 2 février 2023 par Semae, l’interprofession des semences, et l’AGPB. À partir de 2010, j’ai rencontré de grosses difficultés pour semer mon colza, avec un premier incident climatique : une quasi-absence de précipitation du 5 août au 15 septembre. J’avais deux solutions : repousser son implantation, avec le risque d’être confronté aux bioagresseurs, ou le semer très tôt — ce que l’on a tous fait ! — avec pour le coup, un risque d’élongation. On a besoin de la génétique pour nous aider à passer l’hiver. Si on ne peut pas contrecarrer les bioagresseurs, il nous faut des colzas qui n’allongent pas. »
Des aléas plus fréquents et plus intenses
Les aléas climatiques représentent le quotidien des exploitants agricoles depuis des décennies. Le changement tient au fait que les aléas sont devenus plus fréquents et plus intenses. « On a une évolution progressive d’un certain nombre de paramètres climatiques comme la température qui augmente, les évènements pluvieux qui ne diminuent pas en cumul sur l’année, mais vont se concentrer avec une grosse tendance à des printemps et des étés plus secs, et des automnes-hivers plus pluvieux. C’est l’évolution générale », décrit Jean-Pierre Cohan, responsable du département de physiologie des cultures, biotechnologies et phénotypage des cultures chez Arvalis. À cela s’ajoute désormais la couche des aléas extrêmes.
Des choix à différentes échelles
« Dans les deux cas, les stratégies d’adaptation doivent intégrer de multiples leviers dont la génétique, mais pas uniquement. Même si c’est un levier puissant, il ne peut apporter à lui seul toutes les solutions », poursuit l’expert. « La génétique est un levier qui a fait ses preuves pour maintenir le rendement, soutient Marin Desprez, directeur de la stratégie au groupe Florimond Desprez. On a constaté une augmentation de rendement moyen en France du blé de plus de 1 quintal par an pendant cinquante ans. Cela plafonne depuis vingt ans, mais dans un contexte d’accélération du dérèglement climatique, d’une diminution de l’usage des engrais et des produits phytopharmaceutiques. Face à tous ces évènements, la génétique a permis le maintien des rendements. C’est donc un levier qui a fait ses preuves et qui a encore du potentiel. »
Allier rendement et tolérance
« On a la chance en France, grâce à l’effort commun des organismes sélectionneurs, du système d’inscription au catalogue officiel et de toute la chaîne de développement derrière, d’avoir un progrès génétique autour de la résistance aux bioagresseurs notamment, réel et palpable, reprend Jean-Pierre Cohan. Si je prends l’exemple du blé tendre, le paysage français de résistance aux maladies du feuillage a totalement changé en quinze ans. On est passé d’une majorité du territoire avec des variétés moyennement sensibles à sensibles, à une majorité du territoire avec des variétés moyennement résistantes à résistantes. Il faut le souligner : le progrès génétique n’est pas seulement une progression du rendement, c’est aussi notamment la tolérance aux bioagresseurs. »
Le groupe Florimond Desprez travaille à proposer des variétés aux agriculteurs qui leur garantissent une stabilité de rendement, ainsi qu’une réduction des charges en engrais et en produits phytosanitaires. « C’est la priorité. Nous devons répondre également aux exigences du régulateur, du consommateur, des industriels, aux contraintes environnementales… Mais notre priorité numéro 1 concerne les attentes de l’agriculteur, du semeur, parce que c’est lui qui choisit la variété. Il est la clé de voûte du système pour que la filière soit pérenne », expose Marin Desprez. Cependant, ajoute-t-il, « la génétique est un outil parmi d’autres. Il n’existe pas de variétés miracles. »
On dirait le sud
« Les agriculteurs doivent en effet utiliser tous les leviers, renchérit Denis Jamet. Les leviers agronomiques (rotation, décaler les dates…), les leviers techniques et les leviers génétiques. La sélection génétique est une des clés du progrès agricole. Et dans le choix de ses variétés, il faut regarder tous les critères : le rendement mais aussi la résilience face aux bioagresseurs et au stress hydrique. Ces aléas climatiques demandent une nouvelle gymnastique d’esprit. Il ne s’agit notamment plus de discuter avec son voisin, mais avec celui situé à 150 km au sud de chez soi. »
Article rédigé par La France Agricole Factory et proposé par Semae.