Comment se déroulent les derniers comités de suivi de relations commerciales dans lesquels vous participez ?
Ils se passent ni mieux, ni plus mal. Nous avons terminé à la fin de février un cycle de négociations commerciales qui ne donnait pas satisfaction et qui devenait inopérant dans les conditions d’inflation dans lesquelles nous sommes depuis 3 mois. Il a été demandé que nous ouvrions un nouveau cycle de discussion pour travailler sur le coût du prix de l’alimentation et la prise en compte dans les tarifs des hausses des coûts de production pour la profession agricole et aussi pour les entreprises.
La charte d’engagement qui a été signé il y a deux mois décrit exactement ça. Ce nouveau cycle doit pouvoir engager la chaîne alimentaire pour un approvisionnement régulier avec suffisamment de visibilité et à ce que les distributeurs prennent en compte les réalités économiques du contexte actuel.
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Quelles seraient les conséquences si les distributeurs n’augmentent pas leurs prix ?
Si les distributeurs, depuis deux mois, utilisent toutes les arguties possibles pour ne pas entrer concrètement dans le vif du sujet, si les réalités économiques ne sont pas prises en compte, cela posera forcément des problèmes dans la capacité des entreprises à continuer leurs activités pour des raisons purement économiques.
Nous ne sommes plus sur des niveaux d’augmentation de coûts entre 0,5 et 1 %, on est aujourd’hui sur des hausses de coûts à deux chiffres, de l’ordre de 10 % et qui peut aller jusqu’à 20 % pour certaines filières les plus exposées aux hausses des coûts de l’alimentation animale et de l’énergie.
Si leur part du contrat n’est pas assumée, nous avons un vrai risque de rupture sur la chaîne alimentaire. Il y a déjà quelques rayons qui se vident car les entreprises n’ont plus les moyens économiques d’assurer leurs fonctions.
On a aussi un vrai risque de rupture structurel où des producteurs vont se détourner de certaines productions avec des contrats qui ne seront pas renouvelés et que les transformateurs auront des difficultés à retrouver.
Pourtant avec les lois Egalim 1 et 2, le cadre réglementaire devait évoluer pour améliorer les choses…
La loi Egalim 2 en prenant en compte les nécessités de revalorisation des productions agricoles et donc du revenu des agriculteurs a mis en œuvre quelque chose qui était absolument nécessaire mai très nettement insuffisant.
La réalité de la situation c’est que si les entreprises et les coopératives sur les territoires ne sont plus en capacité d’équilibrer l’économie de leurs activités, elles vont disparaître ou il sera demandé aux agriculteurs et aux adhérents puisque c’est leur outil de production et qu’ils en ont besoin pour valoriser leur outil de production, de soutenir leur coopérative. Je ne vois pas d’autre solution à moins que les pouvoirs publics le fassent mais j’ai compris que le quoiqu’il en coûte, c’est terminé.
Les coopératives vont demander à leurs adhérents de mettre la main à la poche ?
Ce sont les adhérents qu’ils vont le décider en assemblée générale. Cela veut dire qu’il pourrait y avoir moins de ristournes, de compléments de prix ou d’investissements. Cela peut prendre un tas de formes. Les 10 à 15 milliards d’euros que les coopératives ristournent tous les ans sur la base de leurs résultats vers leurs adhérents vont disparaître. Et ce n’est pas acceptable, cela fait partie de la rémunération des agriculteurs.
Pour des questions purement économiques en lien avec l’inflation et aussi par rapport à l’axe de souveraineté alimentaire, le cadre réglementaire doit évoluer et doit être adapté et aux nouveaux enjeux économiques.
Faut-il une loi Egalim 3 ?
Ils l’appelleront comme ils voudront. Il faut que cette loi trouve la solution pour permettre à l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire de travailler ensemble sur des objectifs partagés qui nous permettent à tous d’avoir de la visibilité sur la chaîne alimentaire.
Si on ne prend pas soin de l’ensemble des maillons et a fortiori du maillon le plus faible, on a un risque de rupture absolument majeur aujourd’hui sur un certain nombre de filières, pas seulement parce que les entreprises ne vont pouvoir assumer leur fonction et leur activité mais parce que des agriculteurs vont cesser leur activité ou se détourner des productions pour lesquelles ils étaient aujourd’hui engagés notamment en filière animale.
La loi Egalim 2 a mis un certain nombre de dispositions favorables pour améliorer la rémunération des agriculteurs qui composaient le maillon le plus affaibli. Aujourd’hui, le maillon qu’on a affaibli c’est clairement la transformation, le maillon industriel qui fabrique l’alimentation, parce que ses coûts ne sont pas pris en compte. Et l’augmentation de ces coûts est au moins aussi importante que l’augmentation des coûts à la production agricole.
L’énergie, le gaz par exemple a été multiplié par 2 ou 3 sur 18 mois, certains emballages ont des augmentations sur les 12 derniers mois de 50 % ou 100 % et la logistique pour des raisons liées à l’énergie et aussi parce que nous trouvons personne pour conduire les camions a vu son coût augmenté d’au moins 20 à 25 % en l’espace de 18 mois.