La FNSEA et La Coopération Agricole, qui travaillent déjà en commun sur le sujet, cherchent des alliés pour créer le chèque alimentaire durable. Déjà discutée pour la loi « Climat et résilience » d’août 2021, l’idée d’un chèque alimentaire consiste à aider les populations les plus démunies (entre dix et 5,5 millions de personnes selon les critères) pour faire leurs achats d’aliments.
Promesse de campagne
Aujourd’hui, le sujet est revenu en urgence dans l’actualité du fait d’une inflation à un niveau jamais atteint depuis quarante ans. En France selon l’Insee, l’inflation alimentaire approche les 5 % depuis le début de l’année. Pendant la campagne électorale, Emmanuel Macron a repris l’idée du chèque alimentaire dans l’objectif de lutter en urgence contre l’inflation, à l’instar du chèque énergie.
Mardi 7 juin 2022, interrogée sur France Bleu, la Première ministre Elisabeth Borne a confirmé que cette aide sera bien inscrite dans une des premières lois de la nouvelle législature. « Dans l’urgence, avec l’inflation, ce sera une aide versée aux plus démunis directement sur le compte en banque, en une fois, tenant compte naturellement du nombre d’enfants dans la famille », explique-t-elle.
#Inflation : "Un chèque alimentation sera mis en place dans le cadre du projet de loi d'urgence pour le pouvoir d'achat" annonce @Elisabeth_Borne dans #MaFrance avec @WendyBouchard sur @francebleu pic.twitter.com/ovFYLd7Uwd
— France Bleu (@francebleu) June 7, 2022
Le montant de l’aide n’est pas arrêté, mais les premières allusions évoquaient entre 30 et 60 euros puis elles n’ont cessé d’augmenter au fil du temps jusqu’à envisager de l’ordre de 150 euros.
Vers une aide pérenne
« Mais il y a deux pas de temps dans ce dossier : l’urgence d’une part, et d’autre part la construction d’une solution à long terme », explique Dominique Chargé, président de La Coopération Agricole. La Première ministre semble avoir entendu ce point de vue : « Une réflexion sera lancée sur un dispositif ciblé pour permettre à tous les Français d’accéder à des produits de qualité, des produits bio », a-t-elle ajouté lors du même entretien sur France Bleu.
Cette aide pérenne prend pour exemple le mécanisme du programme alimentaire aux États-Unis, appelé food stamps puis Snap, qui permet de soutenir les achats d’aliments avec une incitation en faveur des produits nationaux. « Nous posons par principe la liberté de choix de l’alimentation et des circuits de distribution », énonce Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Ce qui signifie que l’aide pourrait être dépensée dans les grandes et moyennes surfaces et ne serait pas limitée aux produits issus de l’agriculture biologique, comme des associations le demandent.
« Nous ne voulons pas ajouter de la stigmatisation envers les populations bénéficiaires en les obligeant à se rendre dans un lieu particulier pour acheter des produits avec cette aide », renchérit Dominique Chargé. En revanche, les deux organisations professionnelles agricoles veulent trouver un lien avec les associations caritatives pour valoriser le travail que celles-ci mènent en faveur de l’éducation alimentaire ou de l’équilibre des repas.
> À lire aussi : Inflation, le chèque alimentaire est-il une bonne idée ? (11/05/2022)
Trois euros par jour
Pour proposer un montant de l’aide, la FNSEA et La Coopération Agricole se tournent du côté des bénéficiaires de l’aide alimentaire actuelle. D’eux-mêmes, ils estiment la valeur de ce soutien à 92 euros par mois. Le chèque alimentaire pérenne pourrait donc atteindre trois euros par jour. On est encore loin des 110 milliards d’euros annuels du programme américain des food stamps mais la somme envisagée ne recueille déjà pas l’assentiment de tous les bureaux du côté du ministère des finances.
Mais la FNSEA estime que l’ensemble de la filière agricole pourrait en tirer un bénéfice : « Pendant des années, on a lutté contre la précarité en appliquant le dogme du prix bas. Résultat ? Ça ne marche pas. Il faut reconstruire la mécanique du prix. Mais il faut accompagner les gens qui ne peuvent pas encaisser un tel changement », explique Christiane Lambert. « On a pris l’habitude d’une alimentation en promotion permanente », résume Yannick Fialip, membre du bureau de la FNSEA. « Mais ce n’est pas à la chaîne alimentaire de supporter le coût de l’alimentation », rebondit Arnaud Gaillot, président de Jeunes Agriculteurs.
La FNSEA et La Coopération Agricole envisageraient une inscription du chèque alimentaire dans le projet de loi de finances pour 2023. Habituellement, ce texte commence à être discuté en septembre pour une promulgation en décembre. D’où la recherche d’alliés dans la filière agroalimentaire pour porter un tel projet. Jeunes Agriculteurs ou Solaal (aide alimentaire) rejoignent déjà cette plate-forme politique. Christiane Lambert se verrait bien être rejointe par des associations caritatives, voire par des distributeurs.