Si l’installation est un parcours du combattant pour tout le monde, il serait plus difficile encore pour les personnes non issues du milieu agricole (Nima). « Tous les ans, près de 21 000 personnes se présentent au point accueil installation [NDLR : le PAI est une porte d’entrée pour les porteurs de projet qui souhaitent s’installer en agriculture]. Six sur dix ne sont pas des enfants d’agriculteurs et seul un tiers s’installe », a rapporté Coline Sovran, chargée de plaidoyer chez Terre de Liens, lors d’une table-ronde organisée par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) ce mercredi 28 février 2024 au Salon de l’agriculture.

Ce chiffre « alarmant » s’explique par des difficultés financières d’installation, des envies éloignées des modèles existants et des accès aux aides et aux informations.

Un parcours « non adapté »

Coline Sovran pointe d’abord du doigt le système d’aide actuel. « Seule une poignée des porteurs de projets touche la dotation aux jeunes agriculteurs car ces derniers ont plus de 40 ans. » En face, un quart d’agriculteurs auraient plus de 60 ans et n’auraient pas encore identifié de repreneurs. « L’avenir de trois millions d’hectares reste incertain et serait destiné à agrandir les fermes voisines, à défaut de servir à de nouveaux installés et de renouveler les générations », regrette-t-elle.

Les envies et projets de ces personnes non issues du milieu agricole seraient également éloignés de ce qui existe dans les exploitations. « Les fermes à reprendre ne correspondent pas forcément aux envies des porteurs de projet. Elles peuvent être très mécanisées ou de grande taille pour se destiner à l’exportation », illustre-t-elle. L’aspect financier pèse lui aussi dans la balance. « En moyenne reprendre une ferme coûte 500 000 euros, dont 200 000 euros d’investissement foncier ».

La dernière épine dans le pied réside dans la méconnaissance du milieu agricole. Les individus non issus du milieu auraient plus de difficultés à accéder aux informations et donc à avancer dans les démarches d’installation.

Quelles solutions existantes ?

Pour surmonter ces obstacles, plusieurs alternatives sont sur la table. « Les agriculteurs ne sont pas obligés d’être propriétaire du foncier. Ils peuvent passer par un outil de portage et investir dans leurs outils de production dans un premier temps », propose Pierre Meyer, administrateur du conseil d’administration du syndicat Jeunes Agriculteurs.

Pour Bruno Keller, président de la Fédération nationale de la propriété rurale, la solution est sous nos yeux. « Il faut que les investisseurs du foncier restent investisseurs, et il faut leur donner envie de le rester et de transmettre leur foncier aux jeunes générations », déclare-t-il.

Un avis rapidement rejoint par Emmanuel Hyest, le président de la Fédération nationale des Safer et président de la Safer Normandie. « Les premiers intervenants sur le portage du foncier sont les propriétaires privés physiques. Les Safer attribuent annuellement entre 20 et 25 % des terres à des bailleurs. C’est un enjeu majeur pour installer des jeunes agriculteurs demain, il faut donner envie à plus de propriétaires d’acheter du foncier et de le transmettre. Les sociétés foncières et les groupements fonciers agricoles mutuels doivent aussi bénéficier d’un accompagnement. »