Le village de Maffliers dans le Val-d’Oise est plongé dans une crise générale durant la guerre de Trente Ans, qui déchire l’Europe de 1618 à 1648, faisant environ huit millions de morts. C’est l’une des secousses les plus sévères que les campagnes ont subie depuis la guerre de Cent Ans (1337 à 1453). On mesure alors à quel degré les événements européens retentissent sur la vie d’une bourgade. Tandis que la pression politique et fiscale s’élève en flèche, un déchaînement de violence s’abat sur les campagnes septentrionales, exprimant au grand jour, et souvent en pleine nuit, un mécontentement général.
Réquisitions et impôts
L’entrée de la France dans la guerre de Trente Ans en 1635 introduit partout la menace de la soldatesque (1), les réquisitions et l’alourdissement des impôts. Depuis que les Espagnols « ennemis de la France » ont franchi la Somme, rien ne va plus. La peur s’installe. Le 6 juin 1636, trois cents cavaliers logent à Maffliers pour aller secourir Corbie dans la Somme. Louis XIII fait rompre les ponts de l’Oise. Près de Pont-Sainte-Maxence dans l’Oise, les ennemis assiègent Grandfresnoy. Aujourd’hui encore, on peut lire sur le pilier de l’église une inscription gravée près du porche : « En l’an mil six cent 36, le 26e aoust l’Espaignol a esté ici. » Espagnols et Impériaux (2), dans une cohue multinationale, s’avançaient entre la Somme et l’Oise : plusieurs milliers de cavaliers polonais, hongrois et croates arrivent aux portes de l’Île-de-France.
Dans ce contexte de patrie en danger, les commissaires du roi multiplient les réquisitions. Le 13 août 1636, Maffliers doit livrer un cheval. Deux laboureurs s’exécutent mais contre une obligation solidaire de 260 livres pour tous les habitants. La ponction accroît les tensions au sein du village. La menace d’invasion a beau être conjurée quelques mois plus tard, tout le plat pays est placé en économie de guerre. La présence militaire entretient l’insécurité, qu’accroissent les bandes de déserteurs et de brigands. Même le passage des troupes royales n’est pas de bon augure. Les conflits sociaux sous-jacents se manifestent.
L’invasion étrangère entraîne l’exode des populations rurales. Autour de Paris, les réfugiés de Picardie, et même de Lorraine, affluent. De la capitale sortent les notables effrayés : « Le chemin d’Orléans était tout couvert des carrosses des gens qui croyaient n’être pas en sûreté à Paris. » Au lendemain de la prise de Corbie, Louis XIII reçoit l’appui des cordonniers et savetiers pour reconstituer, grâce aux milices et aux enrôlés volontaires du petit peuple, l’armée qui tiendra les lignes de l’Oise avant de forcer les envahisseurs à la retraite.
L’effervescence monte d’un cran. À Montmorency (Val-d’Oise), les habitants se cotisent de 400 livres pour réparer portes et clôtures « de crainte d’être surpris nuitamment par quelques voleurs et gens sans aveu » qui, à l’occasion des guerres, pourraient faire « pillerie et ravage ». À Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise), lorsque le roi impose un emprunt, syndics et notables, élus pour le mettre en place, sont couverts d’injures et échappent de peu d’être jetés à la rivière. C’est indéniable : la guerre a créé un climat propice aux contestations.
(1) Troupe de soldats brutaux et indisciplinés. (2) Les Habsbourg d’Espagne et du Saint-Empire germanique catholiques étaient opposés aux États allemands et autres puissances européennes protestantes et à la France.