Ce mardi 3 octobre 2023, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a fait part de sa décision concernant l’actualisation des risques d’exposition des riverains au prosulfocarbe, qui s’inscrivait dans le cadre d’une saisine du ministère de l’Agriculture (1). De nouvelles conditions d’utilisation ont ainsi été décidées pour l’ensemble des produits commerciaux contenant du prosulfocarbe, avec prise d’effet au 1er novembre 2023.
L’Agence a souhaité informer rapidement l’ensemble des parties prenantes de sa décision sur ce sujet « complexe, très attendu et très controversé », a indiqué Charlotte Grastilleur, directrice générale déléguée chargée du pôle des produits réglementés de l’Anses.
Trois nouvelles conditions d’utilisation
Au regard des résultats de son évaluation, l’Agence a conclu ne pas pouvoir « exclure, pour une exposition par voie cutanée principalement, le dépassement des seuils de sécurité pour des enfants se trouvant à moins de 10 mètres de distance de la culture lors des traitements ». Pour prendre en compte ce risque, les conditions d’utilisation suivantes seront donc à respecter :
- L’obligation d’utiliser des buses réduisant la dérive de 90 % et de respecter une distance de sécurité de 10 mètres vis-à-vis des zones d’habitation ou de présence de riverains ;
- À défaut d’équipement et en attendant l'investissement, l’application restera possible avec une distance de sécurité portée à 20 mètres ;
- Les doses maximales d’application seront réduites de 40 à 47 % selon les formulations (de 5 à 3 l/ha et de 3 à 1,6 l/ha).
Par ailleurs, les firmes détentrices devront fournir de nouvelles données probantes de terrain sur l’efficacité des mesures ci-dessus d’ici le 30 juin 2024. Dans le cas contraire, les autorisations seront retirées, sans délai de grâce.
Évaluation sur trois produits de référence
Au-delà de cette annonce, l’Anses a également souhaité faire part de la méthodologie utilisée pour son évaluation : une première pour l’Agence qui ne s’était jusqu’à maintenant pas prêtée à cet exercice pour les produits phytopharmaceutiques. Trois produits de référence ont été pris compte (Defi, Defi Major et Arcade) mais les autres produits « suivront le même régime » sur les conditions d’utilisation.
Sur ces produits, l’Agence a utilisé la méthode d’évaluation de l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) dans sa plus récente version (2022). Le dossier de réévaluation de la firme détentrice, en l’occurrence Syngenta, a également été pris en compte. « Nous avons appliqué dans notre méthodologie une réduction de la dérive de 50 % puisque les éléments fournis par le détenteur (réduction de la dérive de 90 %) n’ont pas pu être retenus, car les études au champ étaient à ce stade incomplètes », a néanmoins précisé l’Anses.
Une « logique d’avance » vis-à-vis de l’Union européenne
« Nous sommes dans une logique de restrictions sanitaires, avec un renforcement des conditions d’emploi, résume Charlotte Grastilleur. On a également un dispositif que l’on peut qualifier de sursitaire, puisque nous avons quelques mois pour conforter un certain nombre de calculs avec les données de terrain. Cela rejoint d’une certaine manière l’annonce régulière de l’exécutif qu’il n’y a pas d’interdiction sans solution, mais nous avons aussi un dispositif qui impose à la firme la remise d’un certain nombre d’informations dans les meilleurs délais », ajoute-t-elle.
L’Anses met enfin en avant une « logique d’avance » de la France vis-à-vis de l’Union européenne. En effet, le prosulfocarbe est en cours de réévaluation au niveau européen, et une prolongation de son autorisation a été fixée jusqu’au 31 janvier 2027 pour la finaliser. « Nous avons la capacité de proposer l’intégralité de nos travaux à nos collègues européens », affirme Charlotte Grastilleur.
(1) Cette saisine fait notamment suite à deux signalements dans le cadre de la phytopharmacovigilance : une première en 2016 sur des niveaux de résidus dans des cultures non-cibles supérieurs aux LMR, et une deuxième en 2022 sur un pic de concentration mesuré dans l’air, en Nouvelle-Aquitaine.