Après le Sénat, c’est au tour des députés de faire un premier bilan de la mise en application de la loi Egalim 2. Deux députés agriculteurs, Grégoire de Fournas, (Rassemblement national), viticulteur en Gironde, et Nicole Le Peih, (Renaissance), agricultrice dans le Morbihan, ont été nommés rapporteurs de la mission de suivi de l’application de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Egalim 2 qui avait été lancée au début de juillet 2022.
Dans leur rapport présenté en commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale, le 27 juillet 2022, ils s’inquiètent du fait que nombre de filières sont exonérées, par décret, de l’obligation de contractualisation.
Par ailleurs, selon plusieurs acteurs auditionnés, une grande majorité des producteurs des filières soumises à la contractualisation obligatoire ne l’ont pas mise en œuvre. « Vos rapporteurs sont conscients de la véritable « révolution culturelle » que constitue cette contractualisation pour certaines filières. Ils insistent sur la nécessité d’accompagner et d’encourager l’appropriation par les acteurs de ces dispositifs ».
Les deux rapporteurs précisent toutefois qu’il serait précoce de prétendre évaluer la mise en application de la loi mais qu’ils entendent donner de premiers éléments d’analyse.
Des articles partiellement ou pas appliqués
Les députés relèvent aussi que plusieurs mesures de la loi Egalim 2 ne sont pas entrées en application car les décrets nécessaires n’ont pas été publiés. « Sur 16 décrets nécessaires à la pleine application de la loi, seuls six ont été publiés. Plusieurs articles de la loi ne sont donc que partiellement ou aucunement appliqués », relèvent les députés.
C’est le cas notamment des mesures concernant l’étiquetage d’origine de la viande utilisées en tant qu’ingrédient dans un plat ou l’origine de la viande dans les établissements réalisant uniquement de la vente à emporter. De même, l’expérimentation du rémunérascore a été mise en œuvre pour la filière bovine — entre la Fédération nationale bovine (FNB) et le distributeur Lidl — mais pas pour les autres filières.
Autre point relevé par les députés, la dérogation à l’application d’un seuil de revente à perte de 10 % pour les fruits et légumes frais — demandée par les organisations professionnelles — n’a pas été mise en application à la suite de « la résistance d’une famille de la grande distribution membre de l’interprofession des fruits et légumes frais (Interfel) ».
Besoin de stabilité
« Je suis effaré que nombre de décrets ne sont encore pas pris », a insisté le député Julien Dive (Les Républicains), alors que les parlementaires évoquent déjà qu’il serait peut-être pertinent de venir apporter des mesures complémentaires à la loi Egalim 2.
« Je pense qu’il est urgent de donner de la stabilité au monde agricole, surtout dans le contexte inflationniste qu’on connaît, hyperconcurrencé y compris avec des distorsions de concurrence au sein de l’Union. Cela passe par une loi de programmation agricole que nous attendons tous et qui à mon sens serait pertinente », a-t-il poursuivi.
Une loi inopérante pour la Confédération paysanne
Pour la Confédération paysanne, la loi Egalim 2 « est inopérante ». Le syndicat souligne que la hausse des prix d’achat des produits alimentaires — une hausse de 3,5 % des tarifs a été enregistrée après les négociations clôturées à la fin de février 2022 — n’est pas synonyme d’une augmentation du revenu des agriculteurs car ces hausses ne couvrent pas la totalité de l’augmentation des charges.
« Il faut enfin agir à la racine, c’est-à-dire interdire l’achat des produits agricoles en dessous de leur prix de revient », martèle la Conf. Le syndicat pointe du doigt « le refus des décideurs politiques de mettre en place des outils de régulation et de maîtrise des volumes à l’échelle nationale et européenne ». Il donne l’exemple des produits bio qui ne sont pas valorisés à la hauteur de leurs coûts de production, comme pour le lait bio qui est actuellement acheté au prix du conventionnel.
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