La transhumance est une pratique répandue en montagne. Elle est beaucoup plus insolite dans le bocage breton. Pourtant, à Créhen (Côtes-d’Armor), deux fois par an, au début d'avril et au début de décembre, les 65 vaches du Gaec Hamoniaux traversent le village de 1 800 habitants sur 1,5 km. La particularité de l’exploitation est qu’elle est scindée en deux îlots séparés par le bourg. Le troupeau rejoint le site hivernal (situé à l’ouest) au début de décembre et il fait le chemin inverse au début d'avril vers l’îlot de l’est.  « Nous avons fait le choix de deux sites de traite pour augmenter les surfaces pâturées, avec un système de plus en plus herbager », explique Patrice Hamoniaux. Il est en Gaec avec son épouse Nadia et l’un de ses fils Paul installé en mai 2024 en reprenant 23 ha.

La deuxième salle de traite a été autoconstruite et équipée avec du matériel d’occasion. (©  Isabelle Lejas)

Histoire du Gaec

Le site hivernal comprend une stabulation avec aire paillée, une salle de traite (2x5) équipée d’un décrochage automatique. Durant l’hiver, les vaches dorment à l’abri et sortent chaque jour sur les 24 ha accessibles dont une partie de marais. L’autre site, réservé à la période estivale, comprend un îlot de 33 ha sur lequel les éleveurs ont aménagé en 2022 une deuxième salle de traite (2X7). Les autres surfaces sont dispersées dans la commune et aux alentours et sont destinées aux céréales, aux bœufs et à la fauche.

La configuration particulière des lieux s’explique par l’historique de l’exploitation. Lorsqu’il s’est installé en 1992 en Gaec avec ses parents et son frère, Patrice a repris l’élevage laitier d’un tiers (site à l’ouest). À l’époque, la ferme familiale comprenait 40 vaches et 100 truies avec engraissement. Après le départ des parents à la retraite en 1994 et de son frère en 2003, son épouse Nadia reprend ses parts. Le couple arrête le naissage en porc. En 2015, l’élevage fait face à de gros soucis de mammites. « Nous avons revu notre système d’alimentation basé sur le maïs, pour un système plus herbager en nous appuyant sur la méthode Obsalim (1). » Peu à peu, le couple s’oriente vers l’agriculture biologique et produit ses premiers litres de lait bio en novembre 2017. L’engraissement des porcs est arrêté.

Le site principal comprend une stabulation avec aire paillée de 65 places et une salle de traite. (©  Isabelle Lejas)

Deux sites complémentaires

Les parcelles de l’îlot situé à l’est ont un meilleur potentiel de rendement qu’à l’ouest. À la belle saison, les éleveurs y ramenaient donc de l’herbe aux vaches en allant la chercher avec une autochargeuse ou sous forme d’enrubannage. « Pourquoi ne pas faire un deuxième site de traite sur l’îlot de l’est et laisser pâturer les vaches directement », a proposé leur plus jeune fils Antoine, salarié agricole. Une idée pertinente d’autant que le site principal (ouest) risque de perdre 12,5 ha : 11 ha régulièrement submergés par la mer, faute d’entretien du barrage et des clapets du fleuve côtier de l’Arguenon, et 2,5 ha en terrain constructible.

Renseignements pris, l’achat d’une salle de traite mobile, comme on peut voir en alpage, s’avère onéreux : 50 000 € pour la structure sans le matériel. Les devis pour aménager l’ancienne porcherie sont hors de prix. Ils optent pour la construction sous un ancien appentis en faisant les travaux de maçonnerie eux-mêmes. Ils achètent une salle de traite d’occasion. Le projet finalisé en juin 2022 a coûté 54 000 €. Avec ce fonctionnement, l’alimentation est optimisée grâce au pâturage et le coût alimentaire a diminué (60 €/1 000 l en 2023-2024 contre 66 €/1 000 l en 2022-2023). Le temps de travail lié à la distribution de la ration à l’auge s’est réduit. Sur le plan économique, les charges de mécanisation liées à la récolte de l’herbe ont baissé. « C’est rentable car nous avons fait les travaux à moindres frais par nous-même. Notre chance est d’avoir deux sites complémentaires », précise Patrice. En hiver, les éleveurs apprécient de revenir sur le site où ils habitent. « Désormais, nous vivons davantage au rythme des saisons », concluent les exploitants.

(1) Méthode basée sur l’observation des animaux. Utilisable également pour les brebis et les chèvres.