Sur les plateaux caillouteux du Châtillonnais, au nord de la Côte-d’Or, de nombreuses exploitations historiquement en polyculture-élevage, ont abandonné l’élevage. Handicapées par le potentiel agronomique limité des sols, elles se retrouvent aujourd’hui fragilisées par l’accélération du changement climatique. « Ici; il n’y a plus d’avenir pour les systèmes colza, blé, orge, estime Jean-François Cortot, l’un des quatre associés de la SCEA des Tours située à Asnières-en-Montagne. Il faut innover. »

Passage au bio

Sur l’exploitation, l’introduction de nouvelles cultures comme la moutarde, le tournesol ou les pois, puis la transition bio au début des années 2000, ont constitué les premières étapes du changement. « Notre objectif était de faire du bio productif et des fourrages de qualité, souligne l’agriculteur. Il a fallu apprendre à maîtriser les techniques alternatives de désherbage et trouver les bons équipements. » Dès 2007, une première bineuse autoguidée par caméra Garford est achetée, remplacée en 2011 par une seconde.

D’une capacité 15 ha par jour, le séchoir déshydrateur de fourrages fonctionne au bois déchiqueté local. (©  Anne Brehier)

Pour valoriser les légumineuses introduites dans la rotation (trèfle violet puis luzerne), les associés ont investi dans du matériel de fenaison, un télescopique, et un séchoir à balles carrées (un clim’air, le troisième de l’Hexagone). D’une capacité de 15 ha par jour (soit 30 tonnes par jour), le déshydrateur fonctionne au bois déchiqueté local. Son système à double flux préserve les feuilles des légumineuses. Il a aussi fallu trouver des marchés. Après une première annonce publiée dans La France Agricole, le carnet d’adresses s’est étoffé au fil des ans.

Un salarié est désormais affecté aux livraisons en France et en Europe. Pour amortir les coûts et les équipements, 1 200 ha de paille d’orge et de blé achetés en andain chaque année, sont aussi commercialisés. Jean-François Cortot et Hervé Lallemant ont transmis leur plaisir de travailler dans l’agriculture à deux de leurs fils : Adrien Cortot et Pierre Lallemant. La construction de deux poulaillers bio sur 10 ha a permis leur installation en 2018 et 2020 (lire l’encadré).

Les deux poulaillers bio construits sur un parcours de dix hectares assurent un confort optimisé aux volailles. (©  Anne Brehier)

Réintroduction de moutons

Cet investissement a été complété en 2020 par la réintroduction d’un élevage ovin, « nettoyeur » et apporteur de matière organique aux sols. 500 brebis de race rustique rava ont été achetées. Elles correspondent à une UMO (unité de main-d’œuvre) à temps plein et permettent de rentabiliser les investissements de contention. Le troupeau est mené à l’économie : pas de bergerie, ni de foin, ni de concentrés. Pour les protéger contre le loup, les agriculteurs ont acquis trois patous et recruté un berger. « En face des contraintes d’un nouvel atelier, il faut mettre les moyens adaptés, pointe Jean-François Cortot. Cette approche a toujours guidé nos réflexions. »

Malgré leur installation sur des terres hétérogènes, les membres de la SCEA des Tours ont une vision positive de l’agriculture. Producteurs d’énergie solaire depuis 2009 avec 300 m² de panneaux photovoltaïques sur les toits de leurs bâtiments, ils ont accueilli sur 3 ha une canopée de TSE d’une puissance de 2,4 MWc, soit une production équivalente à la consommation électrique résidentielle de 1 450 habitants du territoire. Dans le cadre d’un contrat tripartite entre le propriétaire, la SCEA et l’énergéticien, un loyer est versé pendant 40 ans. Dans la rotation céréalière mise en place sous l’installation, des mélanges multi-espèces graminées légumineuses ont été semés sous couvert de céréales. Les trèfles pousseront quand le blé sera récolté et les moutons pourront pâturer l’été à l’ombre.