« À 13 ans, je vendais des œufs ! » Yeux rieurs, Clément Lajoux a la fibre commerciale depuis toujours. « À l’époque, ma mère m’avait prêté 1 000 € pour que je construise un poulailler à côté de la maison, enchaîne-t-il. À 14 ans, elle m’a prêté 3 000 € supplémentaires et à 15 ans, 7 000 €. Voilà comment j’ai pu financer quatre logements pour mes volailles. Et tout a été remboursé ! »

Aujourd’hui, ce jeune agriculteur de Raphèle-les-Arles, dans les Bouches-du-Rhône, élève encore une petite centaine de chapons pour les offrir à ses bons clients. Il en vend aussi une partie à des particuliers. C’est de cette expérience que l’envie d’épouser la filière agricole a germé. « Mes parents ne sont pas du métier, explique-t-il. Mais mon père a la passion des traditions locales, les taureaux, les chevaux et le foin de Crau. Il en produisait un peu sur des terres familiales. »

Un travail de titan

En 2015, Clément Lajoux loue une vingtaine d’hectares de prairie et de bois à ses parents et crée la SARL L’Oustau di Galino (la maison des poules en provençal). Un travail de titan l’attend. Il remembre l’intégralité de la ferme pour irriguer les parcelles qui donnent le foin de Crau.

« L’eau, c’est la base de la qualité de cette production, explique-t-il. Les prairies sont inondées par le biais d’un réseau de canaux alimentés par le lac du barrage de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes). Il m’a fallu boucher les trous, reconstituer les fossés et créer des fosses d’écoulement. » Grâce à ce chantier, il récolte aujourd’hui 8 à 10 tonnes de foin par hectare, un rendement satisfaisant pour cette culture. Elle donne lieu à trois coupes annuelles espacées de 45 à 60 jours, entre les mois de mai et de septembre.

Clément Lajoux a peu à peu agrandi l’exploitation à 42 hectares grâce à de nouveaux fermages et en achetant 10 hectares en 2022 et 2024. Pas question de confier la vente à un intermédiaire. « Je livre moi-même mes clients depuis le début, explique-t-il. Quand ma production ne suffit pas à répondre à la demande, je la complète en achetant du foin à des collègues. »

En 2022, Clément Lajoux s'est lancé dans l’élevage équin. Cavalier émérite, il est spécialisé dans le dressage et la voltige. (©  Chantal Sarrazin)

Il compte désormais une soixantaine de clients en France, ainsi qu’en Italie et en Suisse. Ce sont essentiellement des éleveurs ovins, caprins et équins, ainsi que des propriétaires de chevaux. « Il y a de la demande, se félicite l’agriculteur de Camargue. Le foin de Crau est reconnu pour ses qualités nutritionnelles, et il est aussi le seul au monde à bénéficier d’une AOP. » Il propose des petites balles de 30 kg et des balles matelas de 200 kg.

Il dispose d’un camion benne de 3,5 tonnes, pour les courtes distances, et de deux camions-remorques de 44 tonnes. « J’effectue les livraisons toute l’année, indique-t-il. Mes plus gros clients commandent deux ou trois remorques par an et se situent pour la plupart dans les Alpes. » Si ces tournées sont éreintantes, et éloignent ce jeune papa d’une fillette de six mois de sa famille, il veut maintenir le contact avec ses clients.

Des brebis et des chevaux 

Les rencontres avec ce réseau d’éleveurs lui ont donné des idées. Son exploitation comptant 5 ha de bois, il a acheté 55 brebis de race raïole en 2020. Le troupeau, qui a grimpé à 80 mères, entretient les bois et profite de l’herbe d’hiver des prairies produisant le foin de Crau. « C’est un petit élevage avec 80 naissances par an en moyenne », commente Clément Lajoux, qui vend les agneaux vivants auprès de particuliers.

Les brebis de race raïole valorisent les parcours boisés. (©  Chantal Sarrazin)

Il y a deux ans, ce boulimique de travail s’est lancé dans l’élevage équin. Derrière l’enclos à brebis, il a créé une écurie accueillant cinq juments de race lipizzan et un étalon de lignée ibérique. Quatre poulains ont vu le jour cette année. Là aussi, il souhaite commercialiser ses animaux à des particuliers. Il va en assurer lui-même le débourrage et le dressage. Un moyen de revenir à l’une de ses passions, l’équitation, qu’il pratique depuis son plus jeune âge.