Anne-Charlotte et Sylvain Beaugrand-Rivière, deux ingénieurs en environnement, travaillaient depuis une dizaine d’années comme salariés : elle dans des associations environnementales, lui comme responsable développement durable dans l’industrie agroalimentaire. « Je ne me destinais pas à reprendre l’exploitation familiale, mais lorsque mon père a annoncé son départ à la retraite, cela nous est apparu comme une évidence, se souvient Anne-Charlotte. Nous ne voulions pas finir nos vies derrière nos écrans à prôner des valeurs écologiques, alors que nous avions la possibilité d’agir concrètement. » En 2018, Anne-Charlotte s’est installée avec son père à Voinsles en Seine-et-Marne, en convertissant les 147 ha au bio. « Nous ne renoncerons pas à la conversion, souligne celle qui est aussi administratrice au Groupement des agriculteurs bio (Gab) d’Île-de-France. C’est une vision de l’agriculture dans laquelle nous nous retrouvons et qui dépasse toute autre considération. » En 2021, après avoir passé un BPREA, c’est au tour de Sylvain de s’installer. « Je me suis formé plus précisément à l’agriculture biologique de conservation dans le but de mieux appréhender le système dans son ensemble, avec la fertilisation basée sur la diversification des cultures, la réduction du travail du sol et sa couverture maximale. Concrètement, nous gardons en tête de réduire la perturbation du sol. Mais selon le salissement et les conditions climatiques, nous ne nous interdisons pas de labourer. »

Depuis septembre 2023, 400 l par mois de boisson de soja sont conditionnés et vendus à la coopérative bio d’Île-de-France, à des épiceries spécialisées, des Amap et à la ferme. (©  Florence Mélix)

Une dizaine de cultures

L’assolement qui tournait auparavant autour de quatre cultures principales (betteraves, blé, orge, colza) se diversifie pour atteindre une dizaine de productions. 40 ha de luzerne sont vendus à part égale à un éleveur et à la coopérative de déshydratation Capdéa. Ensuite, « le découpage des parcelles en une dizaine d’hectares chacune, permet de réfléchir facilement à une rotation entre le blé, l’avoine, l’orge de brasserie (vendue à Deck & Donohue pour produire de la bière issue à 100 % de malt d’orge francilienne), le soja, le sarrasin (contrat de semences pour Agri-Obtentions), la féverole, le pois, le chanvre (Planète chanvre), le seigle et les lentilles ». Les céréales et les légumineuses sont vendues à la coopérative Valfrance. Une partie de la production est également transformée à la ferme. « Pour les boissons de soja, nous avons investi 50 000 €, subventionnés à 40 % par la Région Île-de-France, dans un Algeco et du matériel pour les différentes étapes du process : décorticage des graines, puis trempage, broyage, cuisson, filtration, mise en bouteille, stérilisation et enfin étiquetage et colisage », explique Sylvain. Depuis septembre 2023, environ 400 l/mois (nature ou sucré) sont vendus à la coopérative bio d’Île-de-France, à des épiceries spécialisées, des Amap (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne) et à la ferme. Le volume visé est de 10 000 l/an.

De la farine complète de blé, seigle, sarrasin et bientôt de petit épeautre est aussi produite grâce à un moulin acheté d’occasion à un voisin. D’autres projets en circuits courts sont en train d'être lancés, comme la vente de graines décortiquées de soja, sarrasin ou petit épeautre. « L’objectif est de se réapproprier la valeur ajoutée de nos productions et d’être moins impacté par le marché bio baissier », relève Anne-Charlotte.

La centaine de brebis du berger sans terre, Bastien Devriendt, pâturent les couverts du couple. (©  Bastien Devriendt)

De l'entraide

En s’installant, le couple avait aussi la volonté d’ouvrir l’exploitation aux stagiaires et porteurs de projets. Depuis deux ans, d’octobre à mars, Bastien Devriendt, berger sans terre, fait pâturer sa centaine de brebis sur les couverts semés en août. Deux apiculteurs ont également installé leurs ruches. « L’entraide entre voisins compte aussi, soulignent Anne-Charlotte et Sylvain. Nous sommes une petite dizaine de fermes bio dans un rayon de 20 km et nous échangeons des conseils, des réflexions et du matériel, comme la houe rotative et la herse étrille. »