« En 2022, entre le gel, la grêle et les fortes pluies, nous n'avons pas récolté d'abricots ! C'est la première année que nos comptes sont dans le rouge. Heureusement, nous avions déjà diversifié nos cultures et développé la vente directe. Nous devrions arriver à nous en sortir », affirment David et Lara Philippe, agriculteurs à Claira dans les Pyrénées-Orientales.

C'est en 2016, à 43 ans, qu'ils décident de se lancer dans l'aventure après une carrière de militaire pour l'un et d'aide soignante pour l'autre. « Nous n'avions pas envie de laisser partir l'exploitation de mon père qui prenait sa retraite,  raconte Lara. Nos enfants étaient déjà adolescents. C'était l'occasion de changer de vie. »

David s'installe en premier et apprend à tailler avec son beau-père, puis c'est le tour de Lara.  « Nous avons repris des parts de la SCEA de mon père, qui cultivait 25 ha de vignes et d'abricotiers », précise-t-elle. Le couple doit également renouveler le matériel. En 2018, il achète une maison et un hangar avec 5 ha de terres. « Ma retraite de l'armée nous permet de rembourser une bonne partie des prêts. Sans cela, ce ne serait pas jouable », note David.

Bien entourés

Le couple prévoit d'abord de développer l'abricot en bio sur leurs terres. Les plants commandés n'arrivant pas comme prévu, il y cultive des légumes en attendant. Cela leur ouvre de nouvelles pistes. « Nous avions essayé de vendre des abricots en direct, sans succès, car tout le monde en a ici. Par contre, il y avait de la demande pour des légumes », relève Lara.

Avec l'introduction du maraîchage, la liste des cultures à maîtriser s'allonge. Mais ces deux amoureux du végétal, curieux et ouverts, trouvent des conseils bienvenus auprès d'agriculteurs et de techniciens. « Il ne faut pas avoir peur de demander quand on ne sait pas », relève David.

© Frédérique Ehrhard - Pour se diversifier, des légumes bio en plein champ et sous tunnel sont cultivés.

Aujourd'hui, ils produisent une large gamme de fruits et légumes afin d'approvisionner toute l'année leur point de vente à la ferme ainsi qu'un marché hebdomadaire. « Nous travaillons également avec des magasins bio et des grossistes par l'intermédiaire d'un agent », précise Lara. Les invendus sont transformés ou donnés à un restaurant solidaire. Des poules pondeuses fournissent des œufs. Les raisins sont valorisés en cave coopérative.

Beaucoup de travail

Deux salariées et des saisonniers les aident pour les cultures, et une vendeuse à mi-temps relaye Lara au point de vente, ouvert six jours sur sept. La ferme, bien visible en bord de route, attire des consommateurs de plusieurs villages. « Nous avons fidélisé une clientèle locale qui vient toute l'année, ainsi que des estivants », note Lara. Pour compléter l'offre, elle achète des fromages, des miels, des légumes secs ou encore des pommes de terre à d'autres agriculteurs.

« Au printemps, nous proposerons aussi du pain et des yaourts. Les clients apprécient de pouvoir faire une grande partie de leurs courses au même endroit », observe-t-elle. Chaque semaine, elle leur envoie par texto la liste des produits ainsi que les prix. « Certains passent leur commande à l'avance, puis payent en venant la récupérer. D'autres préfèrent choisir à la ferme », précise Lara.

Pour faciliter le paiement, elle s'est équipée l'été dernier d'un terminal carte bleue. « Les ventes ont alors grimpé de 25 %. » La baisse du pouvoir d'achat a freiné les commandes des magasins bio, mais pas la vente directe. « Nous évitons d'augmenter nos prix en ce moment. »

© Frédérique Ehrhard - Sur leurs nouvelles terres, le couple a planté des abricotiers conduits en bio.

Pour proposer d'autres fruits l'hiver, David et Lara prévoient de produire des kiwis, des avocats et des framboises sous deux serres photovoltaïques. Fermées par des filets, elles abriteront les arbres du vent. « Nous allons aussi investir dans un hangar photovoltaïque pour produire l'électricité nécessaire à nos installations, en particulier les chambres froides », poursuit David.

Malgré la charge de travail, très importante de mars à septembre, ils sont tous deux heureux de ce changement de vie et de métier. « C'est une satisfaction de produire des aliments, de créer des emplois, affirment-ils. Nous nous sommes donnés encore dix ans pour mener à bien nos projets, avant de penser à transmettre. »