Le rapport de l’ONG PAN Europe , publié le 24 mai 2022, sur les résidus de produits phytosanitaires candidats à la substitution dans les fruits et légumes produits en Europe a fait grand bruit sur les réseaux sociaux et dans la presse. Ce mardi 31 mai, le collectif Sauvons les fruits et légumes de France a vivement réagi à ce relais médiatique, évoquant un « message contradictoire » et une « désinformation inacceptable » de la part des « ONG environnementalistes ».

 

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Contacté par La France Agricole, Julien Durand-Réville, responsable en santé et agronomie digitale chez Phyteis (anciennement UIPP, Union des industries de la protection des plantes), a accepté de nous exposer le point de vue de son organisation.

Des résidus mesurés à l’état de traces

Un point méthodologique est d’abord nécessaire : pour son étude, l’ONG s’est appuyée sur les données de contrôle européen réalisé chaque année par l’Efsa, l’autorité européenne de sécurité des aliments. Elle y a sélectionné un échantillon de fruits et légumes courants et a retenu les situations pour lesquelles les teneurs en résidus de produits phytosanitaires candidats à la substitution étaient supérieures ou égales à la limite de détection… « seuil qui est très loin des seuils de toxicité », signale Julien Durand-Réville.

 

« Il est facile de retrouver des traces, qui plus est avec les capacités d’analyses des laboratoires qui se sont fortement améliorées sur les dernières décennies, ajoute-t-il. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il existe un risque pour la santé des consommateurs. »L’Efsa a d’ailleurs fait cette même conclusion dans ses dernières évaluations annuelles, qui englobaient un plus large panel de produits alimentaires et de matières actives.

 

L’expert de Phyteis suppose donc que les tendances à la hausse constatées par l’ONG peuvent être en partie due à l’amélioration des performances des laboratoires à rechercher des matières actives, sur des teneurs de plus en plus infimes : « Entre 2000 et 2010, les capacités de détection sur les aliments se sont encore améliorées d’un facteur 10 », complète-t-il.

Des situations d’impasse

Il confirme également que les quantités de produits phytosanitaires candidats à la substitution vendues en Europe ont bien diminué depuis l’entrée en vigueur de la réglementation sur cette classification. « Mais dans certains cas, la boîte à outils disponibles pour les agriculteurs s’amenuise et les produits qui restent sont donc proportionnellement plus fréquemment utilisés. Cela explique aussi pourquoi on peut parfois en détecter dans certaines cultures, surtout à l’état de traces », nuance-t-il.

 

Par définition, les candidats à la substitution sont des produits pour lesquels une solution alternative, quand elle existe, doit être préférée. « Il existe des situations d’impasse où les producteurs n’ont pas d’autres choix que de les utiliser : cela est particulièrement vrai pour la filière des fruits et légumes. »

Nouvelles solutions à l’étude

« Prendre la limite de détection comme point d’analyse est un peu facile et ne permet pas de refléter les usages et les quantités globales utilisées, mais peut au moins mettre en lumière une nouvelle fois l’utilité de la protection des cultures et ces situations d’impasse techniques, qui s’étendent.

 

De nouvelles solutions de protection des plantes sont à l’étude, notamment dans les domaines de la bioprotection, de l’agronomie numérique et des biotechnologies pour réagrémenter la boîte à outils des agriculteurs, mais le temps de développement et d’autorisation réglementaire est un temps relativement long », conclut Julien Durand-Réville.

 

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