"Voir de bonnes terres irrigables en friche, c'est un comble ! Ici, le foncier se vend à 20 000 €/ha quand un terrain de loisir de 1 000 m² part à 15 000 €. Résultat, beaucoup de propriétaires préférent attendre la bonne occasion plutôt que de vendre ou de louer à un agriculteur », constate Pierre-Jean Savoldelli, installé avec sa femme à Argelès-sur-Mer, dans les Pyrénées-Orientales.
Le conseil départemental prend la main
Sur 23 hectares, le couple d'agriculteurs produit des fruits et des vins. "Il nous a fallu trente ans pour regrouper cette surface. Et pour les dernières parcelles, enclavées au milieu de l'exploitation, nous avons dû utiliser la procédure Terres incultes", souligne-t-il. D'autres agriculteurs ont fait comme lui. Puis en 2019, le conseil départemental a pris le relais avec une procédure collective.
"Dans notre plan agricole, nous avions ciblé cette zone littorale où les friches gagnent du terrain sur des terres irrigables", note Cédric Costa, en charge du dossier au conseil départemental. Mobilisés, les élus locaux se sont rendu compte que sur leur territoire, il y avait des agriculteurs prêts à s'installer ou à se développer qui n'arrivaient pas à trouver de terres malgré ces friches. Deux communautés de communes ont alors sollicité le conseil départemental en 2019.
Un projet de territoire
Sur quatre communes, Argelès-sur-Mer, Elne, Latour-Bas-Elne et Saint-Cyprien, la chambre d'agriculture a réalisé l'inventaire des parcelles incultes ou manifestement sous-exploitées. Puis il a fallu identifier les propriétaires et les informer. Certains ont pris conscience de leur obligation de mise en valeur agricole, qui va bien au-delà du simple entretien. Des ventes ou des baux ont ainsi pu être signés rapidement pour 60 hectares. D'autres restent fermés à tout changement.
"Il reste 308 hectares bloqués. Nous avons transmis la liste des parcelles au préfet, qui va mettre en demeure les propriétaires de remettre ces terres en production", explique Cédric Costa. Ceux-ci ont deux mois pour dire comment ils vont s'y prendre. "Dans le même temps, les agriculteurs intéressés par ces parcelles doivent se faire connaître", note Manoëlle Chaillou, de la chambre d'agriculture, qui anime la démarche.
"Ce n'est pas facile. Mais avec de la persévérance et du courage politique, nous allons arriver à réaménager cette zone", afffirme Thierry Voisin, le conseiller départemental en charge de l'agriculture. "La procédure est longue, mais elle permet de réaffirmer la vocation agricole de ces terres. C'est essentiel à l'heure où on parle de souveraineté alimentaire", ajoute Manoëlle Chaillou.