Jusqu’à présent, l’agriculture française s’est construite autour de propriétaires privés souvent issus de familles agricoles. Mais pour la SNPR, ce modèle est aujourd’hui menacé par des locations trop engageantes dans le temps et peu rémunératrices. La section de la FNSEA souligne également la montée en puissance des exploitations confiées par délégation à des entrepreneurs de travaux agricoles et la sous-location pour certaines cultures très spéculatives.
De nouveaux « porteurs » de foncier, pour utiliser un terme plus récent, prennent en partie le relais. « Il peut s’agir d’investisseurs privés ou porteurs individuels, explique Maître François Desjardins, notaire à Quevauvilliers, dans la Somme. Il peut aussi s’agir de porteurs collectifs, comme les classiques GFA, groupements fonciers agricoles, la Safer, mais de façon momentanée, des SCI, société civile immobilière… Ces dernières années, le portage militant s’est également développé avec des associations comme Terre de Liens. Les collectivités publiques peuvent aussi intervenir pour sanctuariser des parcelles agricoles. Enfin, on entend parler de coopératives agricoles, prêtes à racheter les terres d’agriculteurs en difficulté, et là, se pose la question du jeu d’équilibre entre les agriculteurs et leurs structures coopératives. »
Des solutions politiques et contentieuses
Trouver un tiers, privé, groupement, association ou autre structure, prêt à investir dans le foncier, c’est bien ; encore faut-il que la démarche pour l’investisseur soit rentable. « Eh bien, le portage foncier a aujourd’hui une rentabilité nulle ! » s’insurge Guillaume Sainteny, enseignant à AgroParisTech et membre de la commission scientifique à la FRB, Fondation pour la recherche sur la biodiversité.
Pour lui, le montant du fermage, 130 €/ha en moyenne en France, ne couvre pas l’amortissement de l’achat des terres, et l’amoncellement de taxes fiscales et sociales qui, depuis trente ans, n’ont cessé d’augmenter. « Sans compter la valeur environnementale des terres et des espaces naturels qui permettent de stocker du carbone ou d’apporter de la biodiversité, qui n’est absolument pas rémunérée », indique-t-il.
Pour lui, il est urgent de réformer les taxations sur le foncier non bâti. « Des solutions concrètes existent, avance le professeur. Il faut réduire la taxe sur le foncier non bâti. Il s’agit là, d’une solution politique. Pour l’IFI, impôt sur la fortune immobilière, les prélèvements sociaux et l’inégalité entre types d’espaces naturels (forêts, prairies, espaces naturels…), la solution est contentieuse, c’est au Conseil constitutionnel qu’il faut s’adresser ».