La ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse, le canal Seine-Nord Europe, les autoroutes ou une liaison ferroviaire… Ces projets qualifiés d’utilité publique entraînent des expropriations. Cette procédure, qui suscite souvent l’inquiétude des agriculteurs concernés, se déroule en deux étapes.

1. La phase administrative

Pendant cette première étape, la personne publique – État, collectivités territoriales… – démontre l’utilité du projet. Dès le commencement de l’enquête publique, les agriculteurs ont intérêt à signaler les conséquences et les besoins induits par l’expropriation. Il peut, par exemple, s’agir du morcellement des parcelles et de la nécessaire création d’un pont pour y accéder. Ils peuvent se faire aider par un expert agricole et foncier afin d’évoquer toutes les répercussions possibles. Ces remarques formulées dès le début de la procédure appuieront les futures demandes d’indemnisation.

Il est aussi conseillé de se rapprocher de la chambre d’agriculture, qui a pu déjà travailler sur un protocole d’indemnisation avec l’État concernant le calcul des indemnités. Les agriculteurs impactés par le même projet seront ainsi regroupés et auront plus de poids pour les négociations. Contacter son assureur est également essentiel, afin de vérifier si les frais de recours à un expert foncier ou à un avocat spécialisé en amont des négociations ou dans l’éventualité d’un litige sont pris en charge dans le cadre de la protection juridique, et à quelle hauteur. Anticiper et être partie prenante dans les étapes de la procédure appuie sa demande d’indemnisation.

À l’issue de cette enquête, une déclaration d’utilité publique (DUP) est affichée à la mairie. S’ensuit une enquête parcellaire qui aboutit à un arrêté de cessibilité, notifié à l’agriculteur exproprié par lettre recommandée. Cet acte signifie que la propriété du bien peut être transférée à l’expropriant en échange d’une indemnisation. Un accord amiable est alors proposé. Le recours à un avocat spécialisé est conseillé pour être aidé dans la négociation de l’indemni­sation sur la base de l’expertise. Dans la plupart des cas, la procédure prend fin après un accord. En revanche, si aucun compromis n’est trouvé, la procédure judiciaire commence.

2. La phase judiciaire

Depuis janvier 2020, dans le cas d’un désaccord entre l’exproprié et l’autorité publique, l’agriculteur doit faire appel à un avocat afin de défendre ses droits et l’accompagner dans les démarches. Il faut monter un dossier qui comprend notamment l’évaluation d’un expert foncier. Le juge des expropriations fixe alors le montant de l’indemnité. S’il y a un désaccord sur la valeur des biens expropriés, le juge viendra sur place confronter les références fournies par l’autorité expropriante et l’expertise foncière qui s’appuie sur les réalités du terrain. Il peut si nécessaire mandater un expert judiciaire agréé.

De nombreux préjudices sont pris en compte dans le calcul de l’indemnisation (amiable ou judiciaire) : les pertes foncières, de marge, de fumures et arrière-fumures, la réduction d’un bail à long terme, les troubles causés à l’exploitation (parcelles morcelées…), l’allongement de parcours pour rejoindre ses terres, la perte de contrat (en lien avec une aide – la MAE, par exemple)… En outre, les bases de calcul seront différentes pour chaque secteur géographique, en fonction de la pression foncière locale.

Florence Melix