En principe, tout employeur a jusqu’au 31 janvier 2017 pour déclarer les facteurs de risque auxquels ses salariés ont été exposés en 2016. Dans la réalité, seules quelques branches ont à ce jour établi un référentiel visant à faciliter l’application du compte pénibilité. Et les patrons sont accusés par le gouvernement de chercher à gagner du temps, et parmi eux, les exploitants agricoles.
Dans un communiqué daté du 15 décembre 2016, la FGA-CFDT (1) dénonce le « blocage » opéré par la FNSEA (et Coop de France) dans la mise en œuvre de la mesure. Elle regrette que seules les branches du lin et des distributeurs de boissons aient à ce jour consenti à mettre en place des référentiels, et appelle toutes les autres branches du secteur à ouvrir des négociations dans ce sens.
Un compte amputé
Du côté de la FNSEA, le message est clair : le syndicat demande aux exploitants agricoles de limiter l’application du dispositif aux quatre des dix critères d’exposition qu’elle estime réellement applicables. « On n’est pas opposé à reconnaître la pénibilité, à condition qu’elle soit applicable, a déclaré Xavier Beulin, le 13 décembre 2016, en conférence de presse. Or, ce n’est pas le cas pour au moins six d’entre eux. On est dans une impasse aujourd’hui. »
Le syndicat a convenu avec le gouvernement de mener un travail de réflexion avec le ministère du Travail. « Le ministère de l’Agriculture y est d’ailleurs associé, poursuit Xavier Beulin, puisqu’il doit lui aussi mettre au point un référentiel à travers les fermes des lycées agricoles dont il a la responsabilité, et mesurer, in situ, l’applicabilité ou non de tel ou tel critère d’exposition. Or, on ne voit rien arriver. Ça montre bien la complexité du système. »
Plutôt prévenir que guérir
Selon la FNSEA, les quatre critères « acceptables » sont le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, le travail répétitif et les activités exercées en milieu hyperbare. En revanche, « les six autres critères posent un problème, en particulier quatre d’entre eux, explique Jérôme Volle, président de la commission de l’emploi à la FNSEA. La posture pénible, les vibrations, les températures extrêmes et l’utilisation des agents chimiques. Sur ce dernier point, on estime très clair que la priorité, c’est le port de l’EPI (l’équipement de protection individuel). Il ne devrait pas y avoir de compte pénibilité pour les agents chimiques, en revanche, mieux se protéger s’impose. »
En cas de contrôle
La FNSEA demande ainsi la révision de l’ensemble de ces critères dont, pour l’heure, la déclaration est cependant bien obligatoire. « Nous appelons à ne pas appliquer les critères qui ne sont pas applicables. Et si les agriculteurs sont contrôlés, on les accompagnera et on prouvera, sur le plan juridique, que ces critères sont inapplicables en agriculture. »
Il est à noter qu’en cas de défaut de déclaration (absence d’identification d’un facteur de pénibilité existant) ou de «surdéclaration » (faire attribuer des points à des salariés insuffisamment exposés), un employeur encourt une sanction financière fixée, par salarié, à 50 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 1 609 € pour l’année 2016 (1 634 € pour 2017) et un risque de contentieux avec les salariés qui s’estimeraient lésés par une perte de points pénibilité, par exemple en cas de défaut de déclaration.
En attendant mai 2017
En parallèle, le syndicat vient de lancer un travail avec l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) et la MSA (Mutualité sociale agricole) pour améliorer les conditions de travail des salariés dans les exploitations agricoles. Une orientation préférable, estime la FNSEA, à celle d’imposer le compte pénibilité.
La ministre du Travail, Myriam El Khomri, ne décolère pas de son côté et accuse les patrons d’attendre l’issue de la présidentielle de 2017 et l’éventuelle abrogation du compte pénibilité, promis par l’opposition. Les récalcitrants, à l’instar de la FNSEA, pointent, eux, en retour la fonction publique et le fait que la mesure ne lui ait pas été imposée.
(1) Le syndicat réunit 53 000 salariés dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire.