C’est un avantage fiscal loin d’être neutre qui s’appliquera finalement plus tôt que prévu. La provision fiscale pour les élevages laitiers et allaitants prévue dans la loi de finances pour 2025 sera finalement applicable dès les exercices comptables clos à compter du 1er janvier 2024, un an plus tôt que la date initiale. C’est ce qu’a annoncé le gouvernement dans un communiqué de presse ce 1er avril 2025. La date de fin du dispositif fixée au 31 décembre 2028 est inchangée.

Une diminution des assiettes fiscale et sociale

Une provision, c’est une somme qui vient en déduction du résultat et du même coup des montants servant au calcul de l’impôt et des cotisations sociales dues à la MSA. L’objectif est d’anticiper une charge future. En l’occurrence, il s’agit ici du coût fiscal et social supporté par les éleveurs en cas d’augmentation de la valeur de stocks de leurs vaches laitières et allaitantes.

Un nouveau dispositif qui enterre le dispositif de déduction moins avantageux, qui permettait de défiscaliser 150 € par vache pour les exercices clos en 2023 et 2024 afin d’inciter à la recapitalisation du cheptel bovin français. Coexistant avec la nouvelle provision pour les exercices clos en 2024, la déduction ne peut être pratiquée en même temps que la provision.

Réparer la censure du Conseil constitutionnel

Un objectif qui reste identique avec cette nouvelle provision fiscale. « En permettant aux exploitants de bénéficier d’un allègement fiscal en cas de hausse de la valeur de leurs stocks, nous leur offrons une incitation concrète à investir dans leur activité et à renforcer notre élevage national », déclare la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, citée dans le communiqué.

Cette accélération de l’application de ce dispositif est une « tolérance » décidée par le gouvernement. Une décision qu’il a dû prendre après l’échec de la faire passer dans la loi d’orientation agricole. Le Conseil constitutionnel a en effet censuré l’article qui devait consacrer ce nouveau calendrier, l’article 56 en question étant considéré comme un cavalier législatif qui n’avait pas sa place dans le texte aux yeux des Sages.

Une limite de 15 000 € qui peut être multipliée

Comment fonctionne cette provision ? À partir du 1er janvier 2024 donc, les éleveurs soumis à un régime réel d’imposition au titre de l’impôt sur le revenu qui constatent une hausse de la valeur de leurs stocks de vaches laitières et allaitantes entre la date d’ouverture de leur exercice comptable et sa clôture pourront comptabiliser l’équivalent comme une charge. Ils ne doivent pas avoir opté pour le régime de blocage de la valeur des stocks à rotation lente.

La limite est fixée par exercice à 15 000 €. Elle peut même atteindre 60 000 € pour les groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec) et les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) qui n’ont pas opté pour l’impôt sur les sociétés. Le plafond de 15 000 € pouvant être multiplié par le nombre d’associés présents dans la limite de quatre.

La limite peut être en revanche minorée si l’éleveur n’est pas engagé dans un contrat pluriannuel pour la vente de sa production. Une mesure mise en place pour inciter à la contractualisation. La minoration va de 10 % en 2025, 20 % en 2026 à 25 % en 2027, soit respectivement des plafonds fixés à 13 500 €, 12 000 € et 11 250 €. Une condition vue comme une « mauvaise idée » pour la Coordination rurale qui « s'assimile à de l'intégration » selon un communiqué du 3 avril.

Un avantage temporaire qui peut devenir définitif

Par principe, une provision n’est pas une somme déduite du résultat pour toujours. Son montant doit être repris dans le résultat de l’éleveur à un moment donné, mais des dérogations existent. En cas de sortie d’un animal, la part de la provision correspondant à cet animal doit être réintégrée au résultat à moins que la valeur totale des stocks de l’exercice duquel l’animal est sorti soit au moins égale à celle de l’exercice où la provision a été réalisée.

C’est également le cas si l’animal sorti est compensé par l’entrée d’un nouvel animal d’ici à la fin de cet exercice comptable ou au plus tard avant le dépôt de la déclaration du résultat imposable de l’exercice en question, soit en pratique le deuxième jour ouvré après le 1er mai. La provision ne sera pas non plus reprise en cas d’abattage imposé par l’administration.

Le dispositif prévoit enfin que la provision sera définitivement acquise à la clôture du sixième exercice si l’éleveur constate une hausse en valeur (il suffit d’un euro) ou en nombre de son cheptel (il suffit d’une vache). C’est l’essence même de la mesure : inciter les éleveurs à recapitaliser.