Revendiquant 80 % des parts de marché auprès des agriculteurs et 55 milliards d’euros d’encours de crédit, le Crédit agricole a annoncé le 16 septembre 2025, le lancement d’un « fonds de développement en agriculture ». Présenté au Space à Rennes lors de sa conférence de presse annuelle, il prendra la forme de quasi-fonds propres qui permettra au premier financeur du secteur agricole d’intervenir sous forme de dette ou d’obligation.
L’objectif est de renforcer la structure financière des exploitations en allégeant les encours de crédit bancaire et les mensualités durant les premières années du projet « pour pouvoir permettre à l’agriculteur de passer ces premières années le plus sereinement possible », a indiqué Jean-Pierre Touzet, directeur du pôle agri-agro garantie et développement chez Crédit Agricole SA. Concrètement, seuls les intérêts seront dus à la banque dans un premier temps. Le capital devra être remboursé de manière différée au bout de sept à neuf ans.
Consolider les fonds propres
Un exemple a été présenté pour illustrer le dispositif. Une jeune agricultrice souhaite s’installer avec 30 000 poules pondeuses. Elle doit investir environ 1,6 million d’euros. Si elle apporte 80 000 euros (en comptant son apport personnel et les aides reçues), il lui faudrait entre 13 à 15 % de fonds propres (soit environ 240 000 euros) pour sécuriser son installation et faire face aux aléas, explique Christelle Doussineau, directrice du marché de l'agriculture du Crédit agricole en Bretagne.
Pour atteindre ces 240 000 euros, 160 000 euros seraient apportés par le fonds de développement sous forme de dette subordonnée sur sept ans. Le reste du financement (1,36 million d’euros) serait couvert par un prêt classique et le prêt à taux zéro pour les installations du Crédit agricole. Les montants des tickets d’investissement via ce fonds sont estimés « entre 150 000 et 250 000 euros pour les installations en volaille et porc en Bretagne », a indiqué Christelle Doussineau.
50 élevages pourraient être accompagnés
Jean-Pierre Touzet a ajouté qu’il ne s’agissait pas pour le Crédit agricole de rentrer au capital des exploitations. « Nous souhaitons absolument que l’agriculteur conserve à la fois la destinée capitalistique de son exploitation », a-t-il souligné. Contrairement au schéma où la banque aurait opté pour une participation au capital, les parts et titres souscrits doivent être revalorisés au jour de leur cession. « La solution de quasi-fonds propre permet de connaître le prix à l’entrée et aussi le prix à la sortie. Il n’y a pas de discussion de valorisation. »
Ce fonds est initialement doté de 10 millions d’euros. Dans l’hypothèse d’un ticket moyen de quasi-fonds propres de 200 000 € par exploitation, cela pourrait concerner 50 élevages. Bien que le lancement opérationnel du fonds après l’obtention des agréments nécessaires soit prévu pour le « tout début de l’année 2026 », « il est d’ores et déjà possible de prendre des projets pour les instruire », a annoncé Jean-Pierre Touzet.
8 milliards d’euros nécessaires pour moderniser les élevages
L’initiative s’inscrit dans un contexte où les besoins d’investissement pour « moderniser » l’élevage français sont estimés à 7,9 milliards à l’horizon de 2030, selon le Crédit agricole : 700 millions d'euros pour la transition hors cage en production d’œufs, 700 millions d’euros pour la construction de poulailler de chair, 5 milliards pour la rénovation et la décarbonation des élevages porcins et 1,5 milliard d’euros pour la robotisation des élevages laitiers.
Au cours de sa conférence de presse, le Crédit agricole a également dressé un bilan de son activité de crédit. Si le volume de prêts a été en recul en 2024 (8,7 milliards de prêts accordés, en recul de 9,2 % par rapport à 2023), la banque observe dans toutes les filières, sauf dans la viticulture en crise, une « reprise solide en 2025 » portée par une baisse des taux d’intérêt.