Apparu depuis une grosse dizaine d’années en France, le financement participatif ou crowdfunding en anglais (« financement par la foule ») est une alternative au prêt bancaire ou aux aides publiques. En pratique, elle engage l’agriculteur bien au-delà du seul moment où il reçoit de l’argent. C’est ce qu’on nomme les contreparties aux dons reçus. Il faut donc bien savoir dans quoi on s’engage, parce qu’elles ne sont pas les mêmes selon les dossiers et qu’elles nécessitent toujours un engagement du porteur de projet.

Les dons sont le type de financement participatif dont on entend le plus parler. Ils permettent de lever des fonds rapidement pour répondre à un besoin précis comme l’achat de matériel ou de têtes de bétail. Les montants sont rarement élevés : entre 1 000 et 150 000 euros, selon les statistiques de Miimosa, une plateforme créée il y a dix ans et spécialisée dans le financement participatif des projets agricoles.

Love money

« En réalité, le montant est équilibré avec le besoin et le réseau mobilisable », explique Chloé Fievet, responsable des dons avec contreparties chez Miimosa. En effet, les premiers donateurs vont se trouver dans le cercle de relations proches (famille, voisins, amis...). Des spécialistes du financement des entreprises parlent de « love money ». Le travail d’accompagnement d’une plateforme vise justement à dépasser ce premier cercle et à aller séduire des financeurs nouveaux. Ce qui se révèle important dans la communication et dans le choix des contreparties.

Avant de détailler cet aspect, un mot sur une autre modalité du crowdfunding : le prêt participatif. Il s’agit d’un investissement apporté par les citoyens qui veulent accompagner l’exploitation dans son développement. Ceux-ci touchent alors une rémunération annuelle à taux fixe, un peu comme de l’épargne, fixé après une analyse de risque et généralement compris entre 2 % et 7 % bruts annuels.

Les montants sont bien plus conséquents : de 30 000 euros à 2 millions d’euros, toujours selon la plateforme Miimosa. La plupart du temps, cette somme vient compléter un financement bancaire traditionnel, à la différence près que, dans ce cas, elle n’est pas affectée à un équipement précis.

Engagement

Les contreparties se divisent en trois niveaux. Le remerciement symbolique d’abord : carte de vœux, noms des donateurs sur un panneau dans la cour, etc. En deuxième, le remerciement sous forme matériel. Il est plus facile à concrétiser si la ferme vend déjà des produits, comme des fromages, des confitures ou du pain. Et enfin, l’événementiel. Il s’agit des visites de la ferme pendant les vacances, d’une dégustation, d’un atelier (la traite, par exemple) ou un aller-retour dans la moissonneuse-batteuse pendant la moisson.

Il existe quatre questions principales à se poser pour un projet de financement participatif.

« L’agriculteur doit bien avoir conscience que les contreparties supposent un engagement, une simplicité et une gradation de l’offre qui peut aller jusqu’à l’exclusivité pour les plus généreux donateurs », commente Chloé Fievet. Pour lancer une collecte, il est recommandé de proposer au moins cinq contreparties pour s’adresser à tous les profils, mais pas plus de dix car cela nuirait à la lisibilité du projet.

Raconter son histoire

Aller convaincre les cercles les plus éloignés de la « love money », c’est comme écrire un curriculum vitæ : il faut faire bonne impression à des gens qu’on ne connaît pas. « Le mieux est de partir de soi, de raconter son histoire, de là où on est et vers là où on veut aller, suggère Chloé Fievet. Une condition essentielle est la transparence : il faut bien expliquer pourquoi on a besoin de cet argent, pourquoi on ne sollicite pas une banque dans ce cas-là. Il ne faut pas avoir peur des réactions des gens. Ils ne craignent pas la production agricole classique. Et même des contreparties comme une visite de ferme peuvent devenir un moyen de montrer les efforts des agriculteurs. »

En revanche, savoir communiquer est un prérequis nécessaire pour monter son dossier. Il va falloir relancer, taper aux portes, répondre aux questions, parfois recevoir les journalistes de la presse locale. « Ne pas être sur les réseaux sociaux n’est pas un problème », rassure Chloé Fievet. Mais cette période de collecte demande beaucoup de temps et d’implication pendant un à deux mois. Il ne faut pas s’y engager dans les périodes de travail intenses, même si le besoin d’argent se présente.