Pour structurer une filière de la paille dans la construction, est-ce à la demande publique de susciter le besoin ou aux agriculteurs de fournir de la matière première ? Avec une centaine de bâtiments bâtis en paille depuis une quinzaine d’années (logements collectifs, bâtiments tertiaires, lycées… hors particulier), et une nette augmentation depuis deux ans, la demande est encore timide, mais bien présente. Ainsi, les 18 000 m² du lycée de Hanches (Eure-et-Loir), qui accueille 1 200 élèves depuis la rentrée de 2023, ont été isolés avec de la paille, du bois et du chanvre.
Une ressource excédentaire
Selon une étude de la cellule économique régionale de la construction, 45 % des projets ont utilisé de la paille provenant d’un département de la Région Centre-Val de Loire. Et dans un cas sur cinq, les maîtres d’ouvrage ont contractualisé avec un agriculteur ou une coopérative. Les volumes locaux pourraient donc être augmentés.
Néanmoins, la ressource est-elle suffisante ? À l’heure de l’agroécologie et de l’élevage sur paille, n’y a-t-il pas un risque de concurrence entre les usages ? Avec 700 000 hectares de blé, la Région Centre produit chaque année plus de 2 millions de tonnes de paille. Si 80 % de la matière reste au sol et que les élevages consomment leur production, la quantité de paille restant disponible pour la construction est estimée à 156 000 tonnes.
« Avec 10 % des logements neufs et des bâtiments tertiaires construits en paille, les besoins seraient de 5 138 tonnes, soit 3 % du tonnage disponible. La filière reste largement excédentaire », souligne Céline Mendez, chargé des matériaux biosourcés à Envirobat. Ce centre de ressources sur le bâtiment durable souhaite créer une filière de la paille dans le Pithiverais, dans le nord du Loiret.
De 100 et 450 €/t payés aux agriculteurs
Afin de développer cette filière, plusieurs innovations sont apparues ces dernières années au niveau artisanal. Dans le Maine-et-Loire, Isol’en paille palettise les bottes et optimise ainsi le transport. Dans la Loire-Atlantique, Copano a créé des panneaux rigides en paille, par un process low tech de couture, et cherche à développer sa machine avec des agriculteurs. Enfin, la Scic Ielo (128 sociétaires) et la coopérative agricole Brin d’Or proposent de la paille en vrac, soufflée comme la ouate de cellulose. Pour ces différentes transformations, la paille est achetée entre 100 et 450 €/t aux agriculteurs.
Céréalier à Outarville, Camille Delorme produit 6 000 tonnes de paille par an qu’il exporte en Europe. Il a participé à la journée paille organisée par Envirobat le 10 octobre à Dadonville : « On sent que la paille entre dans les mœurs des collectivités. Alors oui, pourquoi ne pas la transformer s’il y a des marchés ! »