« En 2023, 23 145 hectares de chanvre sont cultivés en France, et nous comptons doubler ce chiffre en cinq ans, d’ici à 2027 », annonce Franck Barbier, agriculteur et président d’Interchanvre, l’interprofession du chanvre, et de Planète Chanvre, chanvrière basée dans la Seine-et-Marne.

Lors de cette conférence organisée par l’interprofession au Salon de l’agriculture le mardi 27 février 2024, le ton est donné. « Le marché est en très forte croissance, notamment sur deux secteurs très demandeurs que sont le textile et la construction, continue-t-il. Nous recherchons donc de nouveaux producteurs de chanvre, au nombre de 1 550 aujourd’hui en France. »

Un paiement pour services environnementaux (PSE) dans le viseur

En France, il existe sept chanvrières et deux nouvelles sont en projet d’installation. La France est le premier pays producteur en Europe avec 38 % des surfaces. « En 2024, le marché du chanvre n’a jamais été dans un contexte aussi favorable, notamment car cette culture répond aux attentes sociétales : pas de recours aux phytos ou à l’irrigation, et captation du carbone, appuie-t-il. Néanmoins, aujourd’hui, selon les années, l’agriculteur ne gagne pas forcément sa vie avec le chanvre, il faut l’accompagner financièrement. »

Dans ce but, un dossier sur les paiements pour services environnementaux (PSE) a été monté par l’interprofession afin de valoriser les bénéfices du chanvre en termes de « préservation de la qualité de l’eau et de la biodiversité, et d’atténuation du changement climatique par la captation de carbone ».

« Nous visons un montant de 250 €/ha payés à l’agriculteur dans le cadre des PSE, précise Franck Barbier. L’État, à travers le plan Ecophyto, pourrait amorcer la dynamique en s’engageant dans ces PSE et le relais pourrait être pris par les entreprises privées dans le cadre de leur stratégie RSE. Nous allons proposer une offre contractuelle aux entreprises en octobre 2024. »

Sur les 23 000 hectares de chanvre en France aujourd’hui, l’interprofession espère toucher des PSE sur la moitié des surfaces dès 2024. « Nous sommes en discussion avec l’Inrae afin de mesurer au plus juste le tonnage de carbone capté par la plante, estimé à environ 15 t/ha/an, afin d’affiner notre argumentaire et de convaincre les entreprises à s’engager », appuie-t-il.

Les chanvrières investissent

En région, preuve de cet élan dans les débouchés, plusieurs chanvrières augmentent leurs capacités de transformation. « Nous avons investi 20 millions d’euros dans une usine de transformation qui sera mise en service en avril 2024, et qui permettra de multiplier par deux les capacités de fabrication d’isolant Biofib d’ici à 2025 », détaille Vincent Hannecart, le directeur général de la Cavac Biomatériaux en Vendée.

Dans l’Essonne, depuis son rachat par le groupe Plantes et Fruits en 2021, Gâtichanvre a investi 3 millions d’euros dans un nouvel outil de production capable de traiter 6 000 tonnes de paille par an. « Notre carnet de commandes est plein en fibres et chènevottes pour les débouchés du textile, de la plasturgie et du béton de chanvre », se réjouit Delphin Pallu, le directeur de Gâtichanvre. Les surfaces cultivées suivent ce nouvel élan : 350 hectares en 2022, 650 hectares en 2023 et 950 hectares en 2024, dont la moitié en bio. « Nous visons 1 200 hectares en 2025 et 1 500 hectares en 2026 », complète Delphin Pallu.

Olivier Schintgen, agriculteur à Vert-le-Grand, dans l’Essonne, prévoit de semer 28 hectares de chanvre bio ce printemps 2024. « Je produis à nouveau du chanvre depuis trois ans avec Gâtichanvre, à travers des contrats annuels, explique-t-il. En 2023, j’ai récolté 3 tonnes de paille par hectare, payée 140 €/t, et 800 kg de graines bio par hectare, payées 1 200 €/t. »