Propriétaire de 100 % du capital du groupe familial LSDH, vous avez tiré la filière laitière vers le haut. Et pourtant, votre entreprise est implantée dans une zone en déprise laitière (Orléans). Elle a failli disparaître à plusieurs reprises. Quels sont les ressorts de cette résilience ?

« La Pac avec ses quotas, l’orientation des élevages laitiers vers les céréales puis la concurrence féroce qui s’exerce sur le marché du lait premier prix a en effet failli nous couler. En 2004, alors que l’entreprise ne gagnait plus que 3 à 4 centimes de franc de marge brute par litre de lait, nous avons dû revoir nos stratégies. Sur un marché de produits basiques (lait UHT demi-écrémé premier prix), nous avons su créer des conditions de différenciation, en capitalisant sur les hommes et les savoirs faire. Avant Egalim, nous avons organisé des filières de proximité et lancé le lait équitable (conventionnel et bio). Depuis quinze ans, tout notre lait est certifié 100 % OGM ».

Aujourd’hui, votre laiterie collecte et conditionne 405 millions de litres de lait chez 1 423 éleveurs répartis dans 26 départements, dont 300 millions de litres en équitable et le reste en Egalim 2 option 1. Entre 2022 et 2025, elle a investi 300 millions d'euros, en partie dans une nouvelle usine près de Cholet (1). Quels sont les leviers de cette réussite ?

« Notre développement est basé sur la signature de contrats tripartite, production, transformation, grande distribution, qui protège des fluctuations à la baisse et amortissent aussi à la hausse. Il s’appuie également sur une juste répartition des bénéfices. Chez LSDH, 25 % du résultat est redistribué chaque année aux salariés, ce qui favorise une dynamique positive au service de l’entreprise. Les producteurs de lait bénéficient d’un prix rémunérateur (2) ainsi que d’une garantie des engagements et de la transparence. Le contenu de nos accords et leur application sont certifiés par le bureau Veritas. À LSDH, les agriculteurs ne sont pas comme trop souvent les variables d’ajustement. La diversification (boissons végétales, jus de fruit, salades) et la R & D sont également des axes essentiels. »

Alors que l’UE vient de signer les accords du Mercosur, et que la concurrence venue de l’Est s’intensifie, comment voyez-vous l’avenir de l’agriculture française ?

« Je ne supporte plus que des gens très autistes massacrent notre pays, ses salariés, ses producteurs, ses filières. La moitié de nos fruits, légumes, poulets est désormais importée. On s’attend demain à manquer de lait et de viande. C’est inadmissible. En 2013, LSDH a racheté la société « Les Crudettes » pour garder des salades françaises.

Alors qu’on a les meilleurs agriculteurs et les meilleures IAA du monde, on en parle toujours en négatif. On stigmatise l’alimentation alors qu’elle ne représente que 14 % du pouvoir d’achat. Tant qu’on laissera bafouer notre alimentation et nos produits, on aura du mal à attirer des jeunes agriculteurs. Il faut redonner au milieu agricole sa fierté, se battre pour que ça change et que la souveraineté alimentaire soit un vrai objectif ».

(1) Le groupe qui a réalisé un chiffre d'affaires de 1 319 M € en 2024 avec 2 500 collaborateurs prévoit d’investir 150 millions d'euros d’ici à 2027.

(2) 42,5 % du prix de vente de la brique de lait « C’est qui le patron » est reversé aux producteurs, soit 0,54 € sur 1,27 €.