Le marché mondial des fertilisants organiques est en progression. Il était évalué à environ 11,9 milliards de dollars en 2022, et devrait atteindre 27,5 milliards de dollars d’ici à 2030. Cela représente un taux de croissance d’environ 11,3 % par an : « C’est un marché dynamique et qui va continuer à l’être », commente Eric Giovale, président de la section des producteurs de fertilisants organo-minéraux et organiques de l’Unifa (Union des industries de la fertilisation), lors d’une rencontre du Comifer le 5 décembre 2024.

Baisse de la proportion des engrais minéraux en France

Et le constat est proche à l’échelle de l’Union européenne (+7,8 % par an). Ce marché « représente 4,2 milliards de dollars en 2024 et devrait atteindre environ 6 milliards de dollars en 2030 », indique-t-il.

« La France, dans ce marché européen, est le premier en utilisation de fertilisants d’origine organique », et l’évolution est y est « importante ». En 2023, 47 % des apports de fertilisants ont été couverts par les origines organiques. Entre 2010 et 2023, « les engrais minéraux sont passés de 70 % des volumes à 52 % », chiffre Eric Giovale. Les projections à 2030 prévoient une poursuite de la dynamique.

Baisse de la disponibilité en effluents d’élevage

En France toutefois, l’activité d’élevage est en perte de vitesse, ce qui entraîne mécaniquement une baisse de la production d’engrais organiques d’origine animale. Pour Eric Giovale, il faut veiller à maintenir ce « pilier » pour garantir la durabilité du système agricole.

A contrario, la projection de hausse des apports organiques intègre une hausse de la disponibilité du gisement des biodéchets (déchets verts et déchets alimentaires), dont une partie est actellement enfouie. Depuis le 1er janvier, le tri à la source des biodéchets est obligatoire, ce qui offre un potentiel de matière à valoriser par le secteur agricole.

Jean-Philippe Bernard, de la chambre d’agriculture de la Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, souligne une nette motivation en France, depuis cinq, six ans, à mieux valoriser les biodéchets. Néanmoins, il juge que les volumes restent limités et que la part de recyclage est déjà importante en France, contrairement à certains autres pays européens. En France, « il n’y a pas grand-chose à gratter », juge-t-il, sauf si l’on considère les potentiels gisements que l’on pourrait importer de nos voisins.

D’après l’Ademe, les biodéchets représentent actuellement un gisement de 18 millions de tonnes à l’échelle française, dont 43 % sont destinés à la fertilisation ou la méthanisation. À titre de comparaison, 685 millions de tonnes d’effluents d’élevage sont disponibles par an.

Envisager une production végétale affectée à la fertilisation ?

Selon Jean-Philippe Bernard, « le développement de la fertilisation organique pose la question d’aller plus loin, et d’envisager le développement d’une production organique végétale destinée à la fertilisation ». Et s’il existe des connaissances sur des espèces comme la luzerne, la vesce, ou encore la féverole, il estime qu’il faudrait « envisager le développement de nouvelles plantes, pas obligatoirement alimentaires, mais qui seraient intéressantes pour la captation de l’azote, du phosphore et du potassium ».

Dans tous les cas, l’Unifa défend la « fertilisation associée », qui associe origines minérales et organiques, insiste Eric Giovale. Chaque année, selon l’Unifa, 6,5 millions d’hectares de grandes cultures et de prairies reçoivent un épandage de Mafor (matières fertilisantes d’origine résiduaire), ce qui représente environ 24 % de la surface agricole utile en France.