Allier les avantages de l’épandage sans tonne avec celui de l’enfouissement, c’est le pari réalisé par Thibaud Bonnevial avec un déchaumeur complètement revue et adapté pour répondre ces enjeux. Pour cet entrepreneur de travaux agricoles et forestiers, à la tête de la SARL éponyme basée dans l’Aube (10), « Notre but, c’est un peu de faire ce que les autres ne savent pas faire, mais surtout de bien le faire ! Quand j’ai commencé à faire de l’épandage, je me suis tout de suite tourné vers un système sans tonne. Pour la préservation des sols c’est le mieux. Une tonne à 3 essieux, tirée par un tracteur de forte puissance dans une parcelle, c’est une aberration ». Non content de préserver les sols, Thibaud cherchait également à fournir une prestation de qualité en limitant les pertes azotées. « Avec du digestat appliqué sur chaume en plein été, il peut y avoir jusqu’à 80 % de volatilisation. C’est une source de pollution mais surtout une perte pour l’agriculteur, » insiste Thibaud.

Sur son ETA Thibaud Bonnevial a développé une prestation d'épandage alliant préservation des sols et valorisation du produit. (© Pierre Peeters)

Un déchaumeur adapté

« Enfouir le produit est donc rapidement devenu une évidence. Je voulais une machine capable d’enterrer en profondeur, sans pour autant faire rentrer une tonne ou un automoteur dans les parcelles. C’est vraiment une demande de niche et chez les constructeurs, il n’y a pas grand-chose. De plus, je voulais un équipement avec un prix raisonnable, pour garder un coût de chantier compétitif », souligne l’entrepreneur. « J’ai donc adapté une machine du marché. Je suis parti d’un déchaumeur traîné à dents Horsch, car les disques ça n’enfouit pas assez. Dessus, j’ai installé tout un système pour répartir et enfouir le digestat. » Au centre, un bras de traction monté sur un pivot, reçoit le produit. Ce dernier arrive ensuite dans un broyeur répartiteur qui envoie le digestat au niveau des dents. « Il y a une descente par dent, l’incorporation se fait derrière le soc. »

Un broyeur répartiteur reçoit et redistribue le produit vers les descentes, placées à l'arrière des dents. (© Pierre Peeters)

Deux ans de développement

Si ce montage peut sembler simple de prime abord, il est en fait le fruit de plus de 2 ans de développement par Thibaud et ses équipes. « Nous avons complètement revu le déchaumeur. » En effet, la machine doit pouvoir accepter les contraintes inhérentes à l’épandage sans tonne. C’est-à-dire tirer le tuyau rempli d’effluent, traînant sur le sol. « Sur la partie qui suit la machine, il y a 12 tonnes de digestat en permanence. Toute la longueur n’est pas tractée continuellement, mais les contraintes sont importantes » insiste Thibaud. Le bâti a donc été modifié et renforcé, alors que les rouleaux ont été remplacés par des modèles faits maison. Le tout est prévu pour accepter les efforts et les contraintes.

A l'arrière de la machine, un bras de traction est raccordé aux tuyaux alimentant le dispositif. (© Pierre Peeters)

L’outil conçu est capable d’enfouir le produit de 8 à 25 cm de profondeur sur une largeur de travail de 8 m. « Nous avons monté des pointes fines car le but n’est pas de remuer la terre. Je laisse la technique de travail du sol à l’agriculteur. Pour la dose, la seule limite est légale » sourit Thibaud. La plupart du temps, le chantier apporte entre 40 et 60 m3 par hectare, avec un débit de chantier, lorsque le système est raccordé directement à un réseau, pouvant atteindre 100 m3/heure. Thibaud précise également, « qu’en étant indépendant d’une cuve et de sa capacité, on applique la dose souhaitée sur la totalité de la surface, sans se préoccuper des allers-retours. »

Deux ensembles

Le chantier est composé d’un binôme et de deux ensembles. Le premier est en bout de parcelle. Avec une motopompe montée sur une remorque, il gère l’approvisionnement du produit jusqu’au champ puis jusqu’au second ensemble, le tracteur qui enfouit. « Le plus souvent, on se branche sur un système de canalisations. Le débit de chantier est alors optimal. De plus il n’y a pas d’ensemble sur la route. Cela limite les nuisances et permet d’épandre avec des conditions humides sans risquer de salir la chaussée. Si cette solution n’est pas disponible, ce sont des camions qui acheminent le produit jusqu’au bord de la parcelle. »

En bout de parcelle, un tracteur et une motopompe assurent l'approvisionnement en effluent et la logistique des tuyaux. (© Pierre Peeters)

Sur les 100 000 m3 épandus à l’année par l’entreprise, ce sont désormais près de 40 % qui le sont avec ce déchaumeur enfouisseur, qui commence désormais sa saison derrière les premiers ensilages et la termine en fin d’année, pour vider les lagunes avant l’hiver.