Difficile de faire plus hétérogène qu’un fumier. Les conditions d’élevage, de stockage et la qualité de la paille influencent fortement sa composition et sa structure. Impossible dans ces conditions de raisonner son épandage avec autant de précision que pour un engrais minéral.

Le premier enjeu est de régulariser la quantité épandue. Dans ce but, les constructeurs adoptent peu à peu la régulation du débit proportionnel à l’avancement (DPA) associée à la pesée embarquée. Plusieurs solutions plus ou moins coûteuses sont disponibles pour évaluer la masse de fumier. La plus simple réside dans le fait de monter un capteur de pression sur le vérin de la suspension du timon. Ce procédé ne convient toutefois qu’aux tonnages importants car, sur les petits chargements, les variations de poids sont trop peu importantes pour être détectées par le capteur.

Sur le même principe, il est possible de monter des capteurs de pression sur les trains roulants s’ils sont suspendus hydrauliquement. Cette solution fonctionne en combinaison avec le capteur du vérin de suspension du timon. La mesure massique manque toutefois encore un peu de précision puisqu’elle ne tient pas compte de la régularité du remplissage de la benne.

La technique la plus efficace mais aussi la plus coûteuse consiste à équiper la caisse d’un faux châssis de pesons, comme cela peut se pratiquer pour les distributeurs d’engrais solides. La pesée est alors nettement plus précise, en particulier lorsque le remplissage de la caisse n’est pas homogène. Revers de la médaille, ce faux châssis augmente le poids à vide de l’épandeur et diminue d’autant la charge utile de la caisse.

Utiliser un DPA massique

Avec cette information sur le poids de fumier obtenue en temps réel, il est possible de réguler la quantité épandue. L’épandeur à fumier utilise le DPA mais il s’agit ici d’un DPA massique car on tient compte de l’hétérogénéité du produit. L’information sur le poids mesuré au niveau des capteurs est transmise à l’ordinateur de bord.

En fonction des réglages et des consignes de dose à l’hectare sélectionnés par le chauffeur, le calculateur gère automatiquement la vitesse d’avancement du fond mouvant, l’ouverture de la porte guillotine, la vitesse des hérissons et, le cas échéant, la rotation des disques de la table d’épandage.

Avec ce DPA massique, la quantité de fumier épandue est homogène sur toute la parcelle. Il est aussi possible de l’utiliser pour réaliser de la modulation intraparcellaire sur la quantité épandue.

Anticiper le comportement dans la caisse

Lors de l’épandage, la hauteur du tas de fumier dans la caisse subit des variations. Elles sont assez faibles dans un premier temps avec la dispersion du chargement, etplus conséquentes dans un second temps. La voûte de fumier formée se fracture en se déplaçant vers l’arrière de la caisse. Cet effondrement génère un talus d’éboulis avec une variation de la masse volumique du produit en raison du foisonnement.

Le dispositif Rollcontrol Access-cible de Rolland prend en compte l’évolution de la forme du tas dans la caisse pour adapter le mouvement de la porte et la vitesse du tapis. (© Jean-Michel Nossant)

Ces variations, si elles ne sont pas prises en compte, génèrent des écarts sur la consigne de dosage. Afin de garantir le débit massique en sortie de caisse, Rolland a développé Rollcontrol Access-cible. Ce dispositif se fonde sur des courbes prédictives d’évolution de la masse volumique et des profils d’évolution d’éboulement du tas. Ce logiciel va piloter le mouvement de la porte et la vitesse du tapis en fonction de ces données afin d’obtenir une meilleure précision et une meilleure régularité longitudinale d’épandage. Cette connaissance du comportement du fumier évite par exemple d’utiliser un capteur de mesure de la hauteur du tas.

Analyser les éléments fertilisants

Contrairement à ce qui se pratique pour le lisier, l’analyse en continu du fumier en est encore à ses balbutiements. Le groupe Samson a développé le premier capteur NIR pour son épandeur à fumier Pichon grâce à une collaboration avec l’Inrae. L’organisme de recherche a analysé 500 fumiers différents, du plus pailleux au plus pâteux, et mémorisé tous les spectres obtenus dans la base de données Epsolys.

Le groupe Samson a développé le premier capteur NIR pour son épandeur à fumier Pichon. (© Cédric Faimali/GFA)

Pichon a ensuite collaboré avec Photon Lines pour concevoir Opti- Sensor, un capteur intégré sur la ridelle de l’épandeur. Il utilise la méthode de spectroscopie en proche infrarouge. Un échantillonnage est prélevé à intervalle régulier. Les résultats obtenus sont comparés à la base de données Epsolys et permettent de déterminer le taux de matière sèche, l’azote ammoniacal ainsi que le taux de carbone, de phosphate et de potassium dans le fumier solide.

Sur les épandeurs Samson et Pichon équipés de l’analyse de fumier permettent de raisonner l’apport de fumier en fonction de N, P ou K. (© Samson)

La mesure est diffusée en temps réel sur un écran de lecture en cabine. La régulation de la quantité de fumier s’effectue en modifiant la vitesse du tapis. Cette analyse quantitative des nutriments permettra à terme une régulation de l’épandage par rapport à l’un des composants au choix. L’objectif final est de réduire fortement le recours aux engrais minéraux.