Les agriculteurs de la Grande-Bretagne ont subi un nouveau coup dur financier de la part du gouvernement travailliste, visant cette fois un programme de financement. Le gouvernement a ainsi annoncé la clôture du programme d’incitation à l’agriculture durable 2024 (SFI24), doté de plusieurs milliards de livres sterling, et l’arrêt des nouveaux engagements. Dans le cadre du SFI, les agriculteurs anglais sont rémunérés pour protéger les sols, restaurer les haies et favoriser la régénération de la nature. Ce programme a été conçu comme un dispositif de paiement post-Brexit essentiel, remplaçant les subventions de l’Union européenne. L’arrêt des nouveaux engagements a donc été très mal accueilli par les agriculteurs anglais qui souhaitaient participer à ce type de programme.

Les syndicats fulminent

Pour sa défense, le Parti travailliste a expliqué que le programme avait « déjà atteint sa limite de financement pour le cycle budgétaire actuel ». Une justification qui n’est pas au goût du Syndicat national des agriculteurs (NFU) qui a réagi en qualifiant le Defra, le ministère britannique de l’Agriculture, de « ministère défaillant ».

Son président, Tom Bradshaw, a fait part de son incompréhension. « C’est un nouveau coup dur pour les exploitations agricoles anglaises, infligé une fois de plus sans avertissement, sans aucune compréhension du secteur et avec un manque total de compassion et d’attention », a-t-il fustigé. « Le fait que les ministres présentent cela comme une bonne nouvelle montre à quel point ils sont profondément déconnectés de la réalité du terrain et à quel point ils comprennent mal ce secteur. Depuis des années, nous nous inquiétons vivement de la capacité du Defra à assurer la transition agricole post-Brexit. Nous avons signalé à maintes reprises que de nombreux aspects du SFI étaient mal conçus ou que le ministère les appliquait mal », a-t-il déclaré.

Cette mauvaise nouvelle fait suite aux modifications apportées par le Parti travailliste aux règles relatives à l’impôt sur les successions (IHT), qui obligeront désormais les agriculteurs à payer plusieurs centaines de milliers de livres sterling d’impôts pour transmettre leur exploitation à la génération suivante. Pour le président de la NFU, « le chaos s’est aggravé et les agriculteurs en paient le prix : mauvaises décisions, orientations erronées, promesses non tenues, manque de transparence et un désastre financier supplémentaire pour l’agriculture. Le terrible dilemme auquel sont aujourd’hui confrontés de nombreux agriculteurs est de savoir s’ils doivent renoncer à leur engagement environnemental et se contenter de cultiver autant qu’ils le peuvent pour survivre. C’est une perte pour l’agriculture et pour l’environnement et ce n’est pas ce qui était prévu ».

Anna Biesty qui gère une exploitation agricole biologique de 300 ha sur la côte nord du Norfolk espérait solliciter un financement SFI24 et risque désormais de perdre environ 140 000 livres (165 000 euros). « On a perdu du temps à élaborer des plans en se basant sur les informations disponibles, car ce travail est désormais inutile. Mon cas n'est pas isolé. Cette situation est vécue dans tout le pays, qu’il s’agisse d’agriculteurs ou d’associations de protection de la nature qui gèrent les terres et utilisent des programmes similaires. On a l’impression d’être attaqués de toutes parts », a-t-elle déclaré.

Le moral historiquement bas

Parallèlement, l’enquête annuelle de la NFU a révélé que la confiance du secteur agricole, en Angleterre et au Pays de Galles, a chuté à son plus bas depuis le lancement de l'enquête il y a 15 ans. Portant sur plus de 900 exploitations agricoles, elle montre que cette année, la confiance à court terme a chuté de 10 points, et celle à moyen terme de 16 points, à un niveau inquiétant. La confiance dans l’investissement agricole a été fortement impactée, les agriculteurs envisageant un avenir sans subventions. Dans l’enquête, 85 % des agriculteurs ont indiqué que la nouvelle réglementation sur l’impôt foncier les affecterait. Environ 88 % ont déclaré que la suppression des paiements directs agricoles aurait un impact négatif sur leur activité. Tom Bradshaw a ajouté : « Lorsque les résultats de notre enquête ont été publiés l’année dernière, nous pensions avoir touché le fond. Nous nous trouvons maintenant dans une situation où la communauté agricole n’a plus confiance dans le gouvernement. »