L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation (FAO) a publié le 31 juillet 2023 une note sur la fin du corridor céréalier en mer Noire et sur ses effets pour l’équilibre alimentaire mondial. Cette route maritime résultait d’un accord du 22 juillet 2022 visant à sécuriser le passage des denrées agricoles au milieu d’un terrain de guerre entre l’Ukraine et la Russie, deux exportateurs agricoles majeurs. Dans les faits, il a pris fin le 18 juillet 2023 avec le refus de son renouvellement par la Russie. À cette occasion, les auteurs de la note de la FAO tirent un bilan du corridor.
Le corridor a été efficace
Le corridor sécurisé en mer Noire a permis de transporter 32,9 millions de tonnes de produits agricoles depuis les ports ukrainiens entre juillet 2022 et juillet 2023. Plus de la moitié de ces tonnages est composée de maïs (16,9 millions de tonnes). Ce qui ne veut pas dire que c’est la principale exportation de l’Ukraine. Le maïs étant lourd et volumineux, il est normal de privilégier le bateau pour son transport. Ensuite, viennent le blé (8,9 millions de tonnes), le colza (2,1 millions de tonnes) et le reste (farine, pellets, sons, huiles…).
La moitié des exportations ukrainiennes dépendaient du corridor. Il venait compléter les 3 millions de tonnes de produits agricoles exportées chaque mois par la route ou par le Danube. Non seulement, ces tonnages ont alimenté le marché mondial, mais ils ont aussi permis de vider les silos ukrainiens avant la récolte en cours. La FAO calcule que l’Ukraine a ainsi pu frôler son niveau d’exportation d’avant-guerre (96 % du niveau moyen de 2019-2021).
D’abord du maïs pour l’Europe
C’était un des reproches de la Russie à cet accord : ces exportations n’alimentaient pas les pays les plus pauvres. Les calculs de la FAO vont dans ce sens. Plus de la moitié des tonnages (53 %) partaient en Europe et en Chine : 39 % pour l’Europe et 24 % pour la Chine. Le maïs à destination de l’Europe pèse 21 % des exportations permises par le corridor. Sans pouvoir faire d’évaluation précise, la FAO rappelle que le maïs, le colza et une partie des blés ont surtout servi à la fabrication d’aliments du bétail. Elle estime donc que seulement un tiers des produits agricoles exportés par cette voie a servi directement à l’alimentation humaine (en valeur).
Europe | Chine | Turquie | Moyen- Orient | Afrique sub- saharienne | Asie du Sud | Reste de l’Asie | |
Orge | 0,416 | 0,34 | 0,256 | 0,255 | |||
Maïs | 7,2 | 5,8 | 0,785 | 2,6 | 0,052 | 0,126 | 0,302 |
Farine, etc. | 0,267 | 1,5 | 0,027 | 0,124 | 0,014 | ||
Mix | 0,002 | ||||||
Colza | 1,6 | 0,291 | 0,16 | 0,061 | |||
Pois | 0,073 | ||||||
Huiles | 0,289 | 0,37 | 0,211 | 0,171 | 0,026 | 0,585 | 0,004 |
Blé | 2,9 | 1,6 | 1,7 | 0,701 | 1,3 | 0,693 | |
Total | 12,672 | 8,01 | 3,245 | 5,01 | 0,779 | 2,072 | 1,013 |
Légende du tableau : les valeurs sont exprimées en millions de tonnes.
Les pays dépendants du corridor
Pour autant, est-ce que ça signifie que la fin du corridor n’aura qu’un effet mineur sur l’alimentation humaine. Les pays d’Europe dépendent assez peu du corridor pour se nourrir, certes. D’autres pays comme le Kenya ou le Bangladesh, qui sont dépendants du blé pour leur alimentation, ont tiré un grand profit du corridor.
L’Afghanistan, qui incorpore beaucoup de blé dans son équilibre alimentaire, a d’autres sources d’approvisionnement, en l’occurrence eux-mêmes et la Russie voisine. Mais le pays est dans une situation financière fragile qui la rend sensible à toute nouvelle tension sur le bilan céréalier mondial, d’autant plus qu’il connaît un fort taux de malnutrition. Cette note de la FAO entrevoit ainsi les risques qui pourraient peser sur le marché des grains si jamais les routes alternatives, trouvées par l’Ukraine après la fin du corridor, devaient être réellement coupées par la guerre navale en mer Noire et en mer d'Azov.
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