« Du champ jusqu’à l’étal », la filière des fruits et légumes frais a calculé les émissions de gaz à effet de serre (GES) au sein de ses productions. Interfel, interprofession de la filière, a présenté les résultats de son bilan environnemental le 26 février 2025 au Salon de l’agriculture.
Les fruits et légumes frais émettent 5,3 millions de tonnes d’équivalent CO2 selon l’étude réalisée, qui se base sur les données des années 2018 à 2022. « La filière représente 3 % des émissions de GES du secteur agricole, un atout », affirme Guillaume Grandjean, responsable du service de la transition environnementale et sociétale d’Interfel. À l’échelle du consommateur, en suivant les recommandations d’apports journaliers de fruits et légumes (400 g), cela représente 100 kg d’équivalent CO2 émis par an.
Pourtant, l’interprofession tient à souligner la grande vulnérabilité des filières des fruits et légumes face au changement climatique. Elle estime que les pertes de récolte pourraient atteindre près de 30 % en moyenne en 2100 au niveau mondial, si le changement climatique se poursuit à son rythme actuel.
Près de deux tiers des émissions de GES lors de la production
La production des fruits et légumes, du champ ou verger jusqu’au premier lieu de mise en marché, correspond à 69 % des émissions de gaz à effet de serre de la filière, soit le principal poste d’émission.
« Globalement, il y a un équilibre entre la production française, qui est souvent plus carbonée que la production hors France, et cette dernière, est moins émettrice en GES mais avec davantage de transports pour arriver jusqu’au marché français », relève Guillaume Grandjean. Par ailleurs, « l’avion ne représente que 5 % des émissions de GES dans les transports des fruits et légumes frais, souligne-t-il. L’impact se situe en majorité sur le transport routier. »
Des transports encore à optimiser
Poursuivant l’analyse de son impact environnemental, Interfel relève un deuxième poste émetteur : l’emballage et le conditionnement des fruits et légumes. Outre le conditionnement final, l’analyse a pris en compte l’ensemble des conditionnements nécessaires à toutes les étapes de la chaîne. Pour Interfel, le calcul mériterait d’être amélioré dans le futur par des méthodes de prise en compte de la fin de vie des emballages.
Les transports, sur la partie de l'aval (de la première mise sur le marché jusqu’au point de vente final), représentent quant à eux 11 % des émissions de GES de la filière. Pour réduire cet impact, le maître-mot reste « moins de camions, moins de kilomètres, moins de diesel ». « Il faut travailler à optimiser le taux de chargement des camions, à un meilleur maillage sur le territoire, et aller vers des énergies alternatives », explique Julien Darthout, du cabinet de conseil CPV, spécialisé dans l’optimisation de la chaîne logistique globale et qui a accompagné Interfel dans sa démarche. De nombreux travaux sont en cours sur les transports maritimes, ajoute l’interprofession.
Dernier grand poste émetteur mis en avant dans le cadre de ce bilan environnemental, le stockage des fruits et légumes et leur conservation, qui correspond à 7 % des émissions de GES, expliquée en grande partie par les chambres froides.
Décarboner les serres
Dans l’objectif de décarboner la filière, « un des premiers leviers consiste à réduire les émissions des serres de production ». L’ajout d’un second écran thermique et l’optimisation de la gestion climatique sont les pistes retenues. Toutefois, le coût moyen pour équiper un hectare de serre avec un second écran s’élève à 100 000 euros, indique la filière.
Quant à l’utilisation des engins agricoles, l’étude présentée encourage le développement de plateformes électriques pour les vergers. Prenant l’exemple des vergers de pommiers, la filière estime à 170 millions d’euros l’investissement nécessaire pour les équiper de plateformes électriques, encore un investissement élevé.
Enfin, certains leviers pourraient engendrer des économies financières et peuvent ainsi paraître plus évidents à mettre en œuvre. La filière encourage à se tourner davantage vers des outils d’aide à la décision pour optimiser l’utilisation des engrais, entre autres.
En termes de faisabilité, travailler sur le mix énergétique de la production de fruits et légumes peut s’avérer particulièrement pertinent, selon l’interprofession. Fonctionner avec des pompes à chaleur, privilégier le biogaz, ou encore récupérer de la chaleur des sites industriels quand cela est possible, sont des leviers avec un fort impact sur la réduction de GES.
Les vergers, des stockeurs de carbone
La filière des fruits et légumes met en valeur un autre atout, insiste Interfel : ses vergers ont un potentiel de stockage de carbone non négligeable. Un potentiel qui se chiffre à 2,8 tonnes d’équivalent CO2 par an et par hectare, au sein des vergers fruitiers. L’ensemble des vergers français peut ainsi permettre de stocker 0,337 million de tonnes d’équivalent CO2 par an. « En incluant le potentiel de stockage des haies et des sols enherbés, les vergers fruitiers sont des stockeurs nets de carbone », affirme Interfel.
De cette évaluation environnementale, l’interprofession retient plusieurs voies à mettre en œuvre, dont le développement d’outils d’aide à la décision pour accompagner l’adoption de pratiques moins émettrices. Enfin, l’interprofession indique qu’elle va poursuivre le travail avec les opérateurs et parties prenantes des filières pour compléter l’identification de leviers économiques viables. Son souhait étant d’inscrire ces travaux sur l’impact environnemental dans une démarche d’amélioration continue, notamment en perspective d’un prochain affichage environnemental.