Dans l’ouest des États-Unis, l’État de Californie fait le grand écart en permanence entre ses productions agricoles à haut rendement et la volonté de la population de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les engrais azotés figurent en bonne place parmi les intrants agricoles pointés du doigt. Afin d’apporter une alternative décarbonée, Nitricity a développé un procédé inédit d’extraction de l’azote de l’air. Cette start-up californienne est financée par des poids lourds de l’alimentation tels que Chipotle, et a déjà reçu la visite de Tom Vilsack, le ministre américain de l’Agriculture.

« Le pouvoir des éclairs »

L’idée de Nitricity est de récupérer l’azote présent en grande quantité dans l’air (la molécule N2 représente 78 % du mélange gazeux de l’air). À cet effet, la start-up cherche à reproduire la réaction naturelle qui se produit lors d’un orage. En effet, l’électricité des éclairs sépare les molécules d’azote contenues dans l’air. Elles se recombinent ensuite avec l’oxygène contenu dans l’eau de pluie et retombent sur le sol sous forme de nitrates. Ce processus fertilise donc naturellement les sols.

Pour Nicolas Pinkowski, le fondateur de Nitricity, l’objectif est donc de « dompter le pouvoir des éclairs » afin de produire des nitrates et différentes formes d’engrais azotés. Concrètement, la start-up utilise un réacteur de type plasma alimenté en électricité par des panneaux solaires. L’eau du système d’irrigation est introduite à l’intérieur du réacteur et en ressort chargée en nitrates. Les premiers prototypes fonctionnent avec des panneaux photovoltaïques injectant de 10 à 50 kW. Le réacteur est suffisamment compact pour être logé à l’intérieur d’un container, en bord de champ.

Cibler les cultures irriguées

Dans un premier temps, Nitricity prévoit d’installer son dispositif sur des parcelles irriguées, en particulier de maïs et de cultures à forte valeur ajoutée. La première installation fonctionne depuis octobre 2022 sur une culture de tomates en plein champ, irriguées par goutte à goutte. Après une phase de démarrage avec 16 panneaux solaires de type tracker, disponibles dans le commerce, Nitricity a musclé son installation et alimente désormais son réacteur avec l’électricité produite par 144 modules.

L’entreprise et l’université de Fresno (Californie) ont comparé les rendements de cette parcelle dont la fertilisation azotée est uniquement confiée au dispositif Nitricity avec un champ voisin utilisant le programme classique avec des engrais de synthèse. Le rendement par unité d’azote avec le dispositif Nitricity a été au moins équivalent à celui des engrais classique, voire plus élevé par endroits. Nicolas Pinkowski attribue la meilleure performance à la méthode d’application au plus près de la plante avec l’irrigation.

Nitricity a obtenu des résultats similaires sur des parcelles d’avoine et de maïs. En plus de la production décarbonée d'engrais azotées, la solution Nitricity limite aussi les émissions de gaz à effet de serre lors du transport puisque le fertilisant est produit sur la parcelle. La commercialisation du système débute cette année, dans un premier temps sur des exploitations californiennes.