Le salon Space à Rennes a fait la part belle au thème de la production d’énergie cette année et les nombreux exposants du secteur ne démentent pas le vif intérêt de l’élevage pour ces nouvelles sources de revenu. Mais l’engouement n’empêche pas la controverse. Réunis autour de la table le 13 septembre 2023, l’éleveur et vice-président de la chambre d’agriculture de la Bretagne Loïc Guines, le député Dominique Potier, Emmanuelle Bourg-Poitrinal, membre du CGAAER, et Jules Nyssen, le président du Syndicat des énergies renouvelables, ont ainsi pu échanger leurs points de vue sur la manière dont la filière doit être encadrée.
En préambule, le député Dominique Potier a voulu prendre un peu de hauteur sur le débat. « Il faudra nourrir 10 milliards d’habitants en 2050 et concevoir des systèmes énergétiques décarbonés le plus rapidement possible », insiste-t-il. Seul représentant des énergéticiens, Jules Nyssen a, quant à lui, tenté de rassurer « la conquête des souverainetés alimentaires et énergétiques n’opposent pas les deux professions » et de tempérer : « Je comprends aussi que les agriculteurs s’inquiètent qu’on leur explique qu’il faut devenir énergéticien autant qu’agriculteur, voire parfois plus, mais il faut trouver une solution face à l’énergie importée. »
« Tous les éleveurs sont à même d’en produire »
Produire de l’énergie renouvelable, Loïc Guines y est aussi favorable mais il a tout de même rappelé que le ticket d’entrée est élevé pour beaucoup d’éleveurs. « Investir plusieurs millions d’euros, ce n’est pas donné à tout le monde. Psychologiquement il faut être capable de porter ces projets-là », note-t-il. Mais la production d’énergie va concerner de plus en plus de monde, selon lui. « C’est primordial de savoir comment on produit cette énergie. Tout éleveur avec des fosses à lisier ou fumière est à même d’en produire », ajoute-t-il.
Il reste que Loïc Guines ne veut pas que le développement de la filière soit accaparé. « Il faut que l’agriculteur soit le porteur du projet. C’est à lui d’engranger les bénéfices. On ne veut pas que seuls 10 % des agriculteurs en bénéficient et les autres non », plaide-t-il.
Viser les terres artificialisées
Au sujet de la pression sur les terres agricoles exercée par le photovoltaïque notamment, Dominique Potier y est allé de sa suggestion. « Pour l’instant, ce sont des marchands d’énergie qui font leur marché sur l’espace rural. On a 500 000 ha en zone d’activité où on pourrait produire de l’énergie sans toucher aux terres agricoles. Il faut aller vers les terres artificialisées. Même si ça coûte un peu plus cher, il vaut mieux payer plus pour assurer notre souveraineté », propose-t-il. Ce à quoi Jules Nyssen lui a rétorqué que « pour un propriétaire de foncier, c’est beaucoup plus intéressant de transformer des terrains en support de logement et d’activité que de mettre des panneaux photovoltaïques. Il n’y a aucune solution simple. Un panneau au sol ne bloque pas toute l’activité agricole », affirme-t-il.
Le cadre réglementaire de l’agrivoltaïsme se précise (08/08/2023)
Une question non tranchée par la profession
Le traditionnel question/réponse de fin de débat fut l’occasion pour Dominique Potier de pointer le manque de clarté du monde agricole sur les questions de régulations. « La régulation de l’énergie, la protection de la sécurité alimentaire sont des idées majoritaires parmi les députés… La question est : “Que dit la profession de clair sur l’agrivoltaïsme, sur la méthanisation, sur le partage de la valeur ?” Vous serez écoutés mais je vous renvoie à vos responsabilités professionnelles et syndicales », tance-t-il.