Le Sénat a voté le 20 octobre une proposition de loi en faveur du " développement raisonné " de l'agrivoltaïsme. Un texte qui pose les jalons d'un encadrement de cette activité avant le début de l'examen du projet de loi consacré à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.  Présenté par le gouvernement le 26 septembre 2022 en conseil des ministres, le Sénat aura l'occasion de s'y pencher en séance publique les 2, 3 et 4 novembre 2022.

Une définition soutenue par le gouvernement

Si ce dernier projet de loi ne contient pour l'instant aucune mesure sur l'agrivoltaïsme, Emmanuel Macron avait promis, lors de l'inauguration d'un parc éolien en mer au large de Saint-Nazaire le 22 septembre 2022, qu'un amendement du gouvernement sur ce sujet serait déposé avant le passage du texte au Sénat. Cet amendement doit être pris sur la base des conclusions d'un " temps de concertation nécessaire avec les agriculteurs pour mettre en place les bons garde-fous, pour éviter une production d'électricité qui se substitue aux surfaces agricoles utiles et qu'on ait, pour le dire en des termes sommaires, des panneaux qui remplacent des troupeaux ", a précisé le président de la République.

Avant cela, c'est en troupeau serré que le Sénat a voté une définition de l'agrivoltaïsme qui va dans " le bon sens" pour le gouvernement selon les mots prononcés lors du débat, par le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau. Seuls 3 sénateurs ont voté contre la proposition de loi dont Joël Labbé (Morbihan - Groupe écologiste) et Jean-Claude Tissot (Loire - Groupe socialiste). Deux élus que la Confédération paysanne avait rencontrés juste avant l'ouverture des débats aux abords des grilles du jardin du Palais du Luxembourg.

La Confédération paysanne affiche son opposition

La Confédération paysanne entendait afficher son opposition à l’agrivoltaïsme. S’il ne s’oppose pas à l’installation de panneaux solaires sur les toitures, il demande l’interdiction des projets de panneaux au sol sur les terres agricoles, naturelles et forestières. Il avait pointé du doigt ses effets pervers dans une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron le 20 septembre 2022.

© Alexis Marcotte - La Confédération paysanne a affiché son opposition à l'agrivoltaisme le 20 octobre 2022.

Intervenant à un colloque organisé par le sénateur d’Ille-et-Vilaine, Daniel Salmon (Groupe écologiste) le 21 octobre 2022, deux représentants du syndicat, Georges Baroni et Sylvain Rathaeau, ont eu l’occasion de détailler leurs positions. Ils regrettent que les panneaux photovoltaïques ne soient pas seulement installés sur des toitures ou des terrains artificialisés.

Un potentiel pourtant suffisant sur les toitures

Selon les chiffres de l’Ademe, les toitures du secteur résidentiel et industriel représentent 364 Gigawatts. Un potentiel suffisant sur le papier pour respecter les objectifs des programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) qui visent notamment 34 % à 38 % pour la part des énergies renouvelables. «  Nous avons suffisamment d’espaces sur les toitures et les friches, mais il faut intégrer le fait qu’il faut aller vite sur la transition énergétique en exploitant toutes les possibilités », a estimé Jérôme Mousset, directeur bioéconomique et énergies renouvelables de l’Ademe.

Sur l’autre côté de l’échiquier syndical, Jeunes agriculteurs avait quant à lui demandé un moratoire sur les projets agrivoltaïques. Pas question pour le syndicat d’accepter le développement d’installations sur une parcelle agricole tant que « les terres [artificialisées] et toitures ne seront pas couvertes dans leur plus grande partie. Nous demandons sur ce point, un recensement précis des surfaces concernées et du potentiel de production d’énergie. »

La crainte de la spéculation foncière

Représentant Chambres d’agriculture France, Olivier Dauger, responsable des sujets énergétiques et climats, est moins fermé mais reste «  vigilant ». Il estime que des garde-fous sont nécessaires et voit l’agrivoltaïsme aussi comme une opportunité de remplacer certaines toitures amiantées par du bac acier où des panneaux seraient installés.

Le président de la FNSafer, Emmanuel Hyest, a rappelé quant à lui, au Sénat, la nécessité d’un encadrement pour éviter la spéculation foncière de terres où des panneaux sont installés. La rentabilité pour le propriétaire étant supérieure à celle d’une terre nue de panneaux. Plusieurs intervenants évoquant des indemnités pour le propriétaire versées par les opérateurs photovoltaïques gravitant entre 3 000 € à 4 000 € par hectare.

L'éligibilité aux aides de la Pac

Si la définition du Sénat ne devrait pas faire changer d’avis la Confédération paysanne et Jeunes agriculteurs, les sénateurs ont précisé que l’activité photovoltaïque doit apporter un service à l’activité agricole. Cette dernière doit également rester l’activité principale et les panneaux doivent être démontables. La proposition de loi cite comme services « l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas et l’amélioration du bien-être animal ».  

Concernant la Pac, l’accès aux aides resterait ouvert aux projets agrivoltaïques. «  À partir du moment où l’agrivoltaïsme aura été défini avec précision et justesse dans la loi, nous définirons l’éligibilité des projets aux aides européennes. Cela suppose toutefois, pour être en conformité avec le droit européen, d’avoir la définition la plus précise de l’agrivoltaïsme », a annoncé Marc Fesneau devant les sénateurs.