Ils bougent entre 1 tonne et 1,5 tonne de produits par jour. Les salariés de la ferme de la Janaie, à Montreuil-le-Gast, dans l’Ille-et-Vilaine, fabriquent des yaourts, des fromages blancs, du riz au lait, de la semoule et des crèmes dessert. 90 % de la production de lait est transformée sur place, soit environ 8 000 litres de lait transformés par semaine. « C’est plus physique au laboratoire de transformation qu’à l’élevage », assure Yves Simon, le patron. À 39 ans, il est à la tête d’une équipe de onze salariés.

Mal au dos

« J’ai repris l’exploitation de mes parents en 2004 : 80 hectares et soixante-dix vaches pour 450 000 litres de lait par an. Tout en bio. Dès que je suis arrivé, j’ai mis en place un atelier de transformation. » Puis il a cofondé le réseau « Invitation à la ferme ». Selon les principes du collectif, il vend ses produits dans un rayon de 80 km autour de son exploitation, aux GMS, aux magasins bio, aux magasins de producteurs, et dans son épicerie le P’tit Gallo, sur la ferme.

Yves Simon s’est toujours soucié des conditions de travail sur son exploitation, jusqu’à prendre, pour ses salariés, « une mutuelle qui offre deux séances gratuites par an chez l’ostéopathe », précise-t-il.

« Ça n’est pas négligeable. J’ai souvent vu mon père bloqué du dos. Et c’est aussi mon cas. Je le vois bien autour de moi, c’est pareil pour tous mes collègues. Je ne veux pas partir à la retraite plié en deux, et je ne veux pas voir mes salariés se casser le dos. » D’où son idée de mettre en place un plan de prévention sur l’exploitation.

Alléger les charges à porter

« Les sacs de 25 kg, ça va… Mais au bout d’un moment, oui c’était lourd, on fatiguait vite », illustre Charlène, 26 ans, la responsable de production de l’atelier de transformation, arrivée en 2013. Elle est aussi l’une des référentes en santé et sécurité sur l’exploitation. « Au départ, c’est une stagiaire qui a été embauchée pour travailler spécialement sur la question, explique Charlène. Elle a remis en place les tableaux des risques pour chaque poste. Ensuite, Yves a lancé une réflexion pour trouver des solutions, notamment par rapport aux sacs de 25 kg. On a travaillé sur le sujet en équipeen regardant, poste par poste, ce qu’on pouvait améliorer. »

Des trémies adaptées

Des chariots ont ainsi fait leur apparition dans le laboratoire de transformation. « Nous portions les yaourts dans des seaux de 20 litres qu’il fallait ensuite élever au-dessus de nos épaules pour pouvoir les verser dans la trémie, se souvient Yves Simon. L’un des gestes les pires à faire. Donc, on a fait faire des trémies de 200 litres, avec un système de pompe de transfert, et des roues pour les déplacer. » Le lavage de la cuve a aussi été revu : « Aujourd’hui, on ne nettoie plus les cuves à coup de brosse. Ça se fait automatiquement, explique l’éleveur. Au début, certains salariés se sont dit : “Mince, on est en train d’industrialiser le truc...” Mais aujourd’hui, ils parlent du système autour d’eux. Quand vous avez 7, voire 8 cuves à laver par jour, ça vous casse le dos. »

Réduire le bruit

La réflexion s’est poursuivie sur le bruit : « Nous avions un seul casque pour tout le monde au départ. En fait, celui qui était le plus près du bruit le prenait. Mais l’écrémeuse, c’est une vraie centrifugeuse », décrit Charlène. Le choix s’est donc porté sur des bouchons d’oreille personnalisés, à 150 euros la paire. « Si on veut garder les gens et se préserver, il faut faire attention, poursuit la responsable de production. Et le bouchon moulé, c’est magique. Il filtre les bruits les plus graves et les plus aiguës, on peut donc continuer à se parler. »

Avec l’aide de la MSA

Pour le financement de ces mesures, l’exploitant s’est tourné dans le même temps vers la MSA : « Je cherchais un dispositif qui puisse m’aider à financer tout cela. Je les ai donc contactés. » Et il a pu obtenir 3 000 euros, grâce à l’Afsa, l’aide financière simplifiée agricole.

« L’Afsa ouvre à un cofinancement des investissements de l’exploitant », précise Nicolas Jagut, conseiller en prévention des risques professionnels à la MSA Portes de Bretagne. Cette aide est plafonnée à 50 % des investissements et à 3 000 euros. C’est le montant qui a depuis été accordé à Yves Simon.

Vérifier la cohérence des mesures

« Même si tous les travaux ont coûté beaucoup plus cher, ça aide, reprend l’éleveur. Nicolas est aussi venu sur place, il a vu tous les postes. Et en quelque sorte, il a validé notre plan, ce qui était bien l’assurance qu’on allait dans le bon sens. » Tous les risques ont ainsi été passés au peigne fin pour chaque poste de travail avec la MSA. Des mesures de bruit ont été refaites dans le laboratoire : « Moi je leur dis tout le temps : “Mettez vos bouchons”, mais quand une personne extérieure le leur dit, les consignes sont mieux suivies », poursuit l’exploitant. Le conseiller de la MSA est ensuite repassé une fois les travaux terminés.

« Nous apportons un regard extérieur, nous les interrogeons sur leur travail, la manière dont ils le réalisent, dans quelles conditions… ça nous permet de vérifier la cohérence des mesures envisagées et d’en proposer d’autres », explique Nicolas Jagut.

Des border collie en plus

De la côté de la production, les vachers ne sont pas en reste, puisque deux chiens d’élevage, des border collie, ont récemment rejoint le troupeau : « Ça fait aussi partie de la santé sécurité, explique Yves Simon. Pour déplacer les animaux, ce sont les chiens qui se débrouillent : je marche devant, et si une des vaches s’échappe, on n’a plus à sauter au-dessus des talus. »

L’équipe de la Janaie entend bien poursuivre ses efforts, d’autant plus que « tous les ans, on est entre 25 % et 30 % de produits transformés en plus ; donc, forcément, le plan de prévention doit continuellement être mis à jour », poursuit Yves Simon, qui vient de mettre en place une nouvelle mesure. Il propose la prime « vélo » à tous ces salariés qui viennent à bicyclette au travail : « L’activité physique, c’est bon pour tout le monde. » Et même Charlène, qui habite à 7 km, commence à y penser.

Rosanne Aries