En 2015 et 2016, lors de premières révélations de L214, « la justice avait accueilli la plupart des vidéos comme des preuves. Désormais, elles sont de plus en plus régulièrement critiquées et suspectées », relève Michaël Bourgatte, directeur de l’équipe de recherche « Médias, images et technologies » de l’Institut catholique de Paris.

Dans une étude intitulée « L’action vidéomilitante des organisations animalistes : contre-surveillance et controverse », parue en avril 2023 dans Quaderni, une revue explorant le champ de la communication et ses rapports avec les technologies et le pouvoir, il s’intéresse aux vidéos des militants de la cause animale.

Des mises en scène avérées

« Là où le cinéma militant n’a cherché qu’à dénoncer et mobiliser le grand public autour de causes comme celle des ouvriers dans les usines ou celle des mouvements féministes naissants, l’activisme animaliste a cherché à faire réagir les pouvoirs publics en les interpellant directement », note l’expert, pour qui ce type d’actions pose deux questions récurrentes :

  • « La première porte sur la réalité des pratiques, leur représentativité et leur déformation par la mise en scène », qui passe par « la spectacularisation et le sentimentalisme ».
  •  La deuxième tient à l’illégalité des moyens mis en œuvre pour obtenir les images (effractions, caméras cachées).

La montée en expertise des juges

« La mise en place de procédures vidéo-surveillancielles nécessite, pour l’ensemble de ces organisations animalistes, d’entrer dans l’illégalité, ce qui les expose à des représailles ou à un risque de condamnation, insiste le spécialiste. L214 est quasi en permanence dans cette dynamique, sa surveillance reposant sur les principes de l’infraction ou du mensonge. »

Le risque désormais pour ces antispécistes est donc de « voir la justice monter en expertise face à la répétition des affaires », souligne Michaël Bourgatte, et parvenir ainsi à poser les cadres d’une jurisprudence devenue efficace contre les plaintes de l’organisation.

Celui qui parle le plus fort

Ces vidéos sont réalisées par « des idéologues, des militants, parfois des artistes ou même de simples citoyens engagés », ajoute le scientifique. Tous ont en commun d’avoir une idéologie combinant « savoirs, croyances, valeurs morales et émotions ».

Reste qu’entre « une parole d’activistes toujours mieux audible et, de l’autre, une autorité de l’État, des industriels, des scientifiques ou encore des éleveurs qui décline », les vidéos tournées par les organisations animalistes continuent à marquer durablement les esprits.