Pourquoi avez-vous signé cette tribune contre l’élevage intensif, écrite par L214 qui plaide en faveur de la suppression de l’élevage ?

La raison est que, comme eux, je suis contre l’élevage intensif. Je trouve que L214 fait bouger les lignes et qu’il tape souvent dans la fourmilière. Et, même si leur but est de ne pas manger de viande du tout, ce qui n’est pas mon cas, je trouvais cela pertinent de m’associer à eux pour cette tribune.

Mais comment mettre de côté leur objectif premier ? C’est votre métier qui est en jeu ?

L214 et moi, nous nous sommes souvent retrouvés sur les plateaux télé, à échanger et à débattre. Cela reste des gens que je considère comme courtois. Je respecte leurs idées, ils respectent les miennes. Et ils savent très bien que je fais un vrai bon boulot de boucher. Alors, je ne partage pas leur but qui est que les gens ne mangent plus de viande. Mais, sur le reste, on se retrouve. Notamment sur le bien-être animal. Ils m’ont d’ailleurs souvent pris en exemple. Donc, non, cela ne me gêne pas de signer cet appel. Je trouve cela pertinent de m’associer à eux contre l’élevage intensif. Si la tribune était allée plus loin, je ne l’aurais pas signée.

La tribune de L214 va plus loin avec ce passage : « Nous devons nous diriger rapidement vers une consommation essentiellement végétale. » Cela vous convient aussi ?

J’en ai pas mal parlé avec Sébastien [NDLR : Sébastien Arsac, un des deux fondateurs de L214]. Ce passage m’a fait un peu sourire, c’est vrai. Je lui ai demandé ce qu’il entendait par là. Parce que ce sont eux qui ont quand même insisté auprès de moi… Mais, au fond, cela ne m’a pas trop gêné. Les gens me connaissent, ils savent comment je fais mon boulot. Je travaille avec 26 éleveurs et aucun ne pratique l’élevage intensif. C’est la solution : essayer de bien faire son boulot, de bien nourrir ses bêtes, de bien payer les éleveurs et de bien payer ses employés.

Pourquoi ne menez-vous pas votre combat de manière autonome ?

Parce que L214 a des moyens que je n’ai pas. L214 a des financements privés importants qui leur permettent de travailler 24 heures sur 24 sur leurs dossiers et sur leur sujet. Moi, j’ai autre chose à faire. J’ai du boulot, mes boutiques, mes employés. Et leur fermer les portes ne permettrait pas de faire avancer le débat.

À quel prix vendez-vous votre viande aujourd’hui ?

Je paye une carcasse entière à 8,20 euros par kilo. C’est énorme. Et pour le consommateur… J’estime que le rapport qualité/prix que j’offre à mes clients est très correct. Je ne suis pas le boucher le plus cher de Paris. Après comme je le dis souvent, on est tous éleveurs par procuration : quand vous achetez une mauvaise viande, vous faites un acte d’achat qui demande de produire de la mauvaise viande. Mais, c’est vrai, tout le monde ne peut se permettre tous les jours d’acheter de la viande chez Desnoyer. Il y a un vrai problème d’argent, c’est certain. Mais tout le monde ne peut pas non plus se payer une Rolls Royce, et tout le monde ne peut pas non plus se payer un 300 m² avenueFoch à Paris.

Qu’est-ce qui vous a amené à ce métier ?

Le hasard. Je n’aimais pas trop l’école. Mon père l’a bien compris. Il m’a demandé ce que je voulais faire à 15 ans et demi. Je ne savais pas. Il m’a fait essayer plein de choses comme la mécanique, mais ça ne me plaisait pas. Puis un jour, j’ai essayé le métier de boucher, et cela fait 33 ans que je l’exerce. Ça m’a plu tout de suite. Toucher la matière première, cette matière noble qu’est la viande… De l’or rouge puisque l’on parle d’argent !

 

Dans une tribune parue le 5 septembre 2019, L214 lance un appel pour la suppression de l’élevage intensif, signé par 200 personnes.