Dix ans après la grève du lait et ses trois millions de litres épandus, le prix de revient des producteurs se retrouve cette année plus que jamais sous le feu des projecteurs. Tombé à 240 €/1 000 litres au deuxième trimestre 2009, le prix de base du lait conventionnel oscille cette année autour de 335 €/1 000 litres. Sur le terrain, le compte n’y est toujours pas.
Contrats renouvelés
Votée à la fin 2018, la loi Alimentation a donné un nouveau souffle aux contrats laitiers. Le texte prévoyait notamment de laisser l’initiative de la proposition de contrats aux éleveurs et à leurs organisations de producteurs (OP) mais aussi, et surtout, la prise en compte des coûts de production dans les modalités de détermination du prix du lait.
« La démarche vise à restaurer la capacité des agriculteurs à peser dans la négociation commerciale en évitant qu’une des parties abuse de sa position de force », rappelait le médiateur des relations commerciales agricoles, largement sollicité cette année. Sur le papier, l’idée séduit. Mais dans la réalité, sa mise en application piétine. La mise à jour des contrats devait être commencée au 1er avril 2019, toutefois, en cette fin d’année, très peu d’accords-cadres ont été formalisés. Le brouillard persiste à l’orée des négociations annuelles sur les marques nationales.
Nouveaux indicateurs
Le choix des indicateurs de coûts de production, et leur champ d’application (marché intérieur ou volumes totaux), entrave les débats. Jusqu’alors, les 396 €/1 000 litres de l’Institut de l’élevage (Idele), basés sur les données 2016 du Réseau d’information comptable agricole (Rica) et une rémunération à deux Smic en plaine, faisaient souvent acte de foi. Mais ce repère est en passe d’être réactualisé. Le 6 décembre, Bruxelles a donné son aval pour le nouveau tableau de bord de l’interprofession laitière (Cniel). Plus réactif, les indicateurs coût de production (plaine, montagne et bio) seront générés annuellement à partir des données comptables de la campagne précédente. « Nul n’est censé les ignorer désormais ! », lançait Thierry Roquefeuil, président du Cniel, lors de l’annonce de la Commission européenne. L’entrée du collège de la distribution dans l’interprofession, le 19 septembre dernier, conforte cette affirmation.
Progrès sur le marché intérieur
Pour la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), si le prix de revient des éleveurs a repris de l’importance dans les négociations, les objectifs des EGA ne sont qu’à moitié remplis. Le syndicat estime la hausse du prix du lait sur le marché intérieur à environ 25 €/1 000 litres sur l’année. « Les hausses de tarifs, certes insuffisantes, ont ruisselé jusqu’aux producteurs », confirme Damien Lacombe, président de Coop de France métiers du lait. Dépendante du mix-produit des entreprises, cette éclaircie n’a cependant pas profité équitablement à tous les éleveurs. Bel et Savencia apparaissent ainsi comme les bons élèves de la réforme.
Sur le marché mondial, la vidange des stocks d’intervention européens de poudre maigre, conclue le 21 juin, a apaisé les tensions commerciales (1).
Sodiaal tentera de profiter de cette embellie. Avec le rachat de l’unité de séchage de l’usine Synutra, à Carhaix (Finistère), acté mi-avril, la coopérative espère doubler sa production de lait infantile.
Alexandra Courty
(1) Voir la fiche production en page 74 de ce numéro.