Le 19 novembre 2025 à Orléans, le congrès du maïs organisé par l’AGPM (association générale des producteurs de maïs) a accueilli l’assemblée générale des Irrigants de France. Son président Eric Frétillère a rapporté « des avancées tout à fait importantes » cette année, notamment législatives. Ainsi, la loi d’orientation agricole adoptée en mars reconnaît l’agriculture comme d’intérêt général majeur pour la Nation. La loi Duplomb promulguée quelques mois plus tard prévoit des mesures complémentaires, notamment la réalisation systématique d’études d’impacts socio-économiques dans le cadre des réglementations sur les volumes prélevables. « Le monde agricole a négligé le plan juridique […], cela nous a fragilisés », observe Eric Frétillière. Nous devons avancer sur cet aspect, c’est la nouvelle ambition des Irrigants de France ».

Les associations spécialisées de la FNSEA restent elles aussi en alerte : « Il va falloir qu’on s’arme juridiquement, alerte Eric Thirouin, président de l’association générale des producteurs de blé (AGPB) en table ronde. Il va falloir qu’on décline la jurisprudence ». Car du côté des opposants, tout est prêt pour « argumenter » et « pour que ça ne s’applique pas », prévient le président. Selon lui et à titre d’exemple, 70 juristes œuvreraient au sein de France Nature Environnement.

Trois leviers à mobiliser

Comment la profession agricole peut-elle donc elle aussi s’armer juridiquement sur ce sujet ? Selon Carole Hernandez Zakine, docteure en droit de l’environnement et présidente de Zakine Consulting, il faut avant toute chose mobiliser trois leviers :

  • Aller sur le terrain : « Quand vous avez une réunion de commission locale de l’eau, pour écrire un Sage (1), il faut y aller, pour se battre, pour porter des conceptions et des messages juridiques », déclare la juriste. Celle-ci s’explique : « L’écriture du droit, c’est une écriture écologique […]. Les juges ne peuvent pas aller non plus dans notre sens facilement… Même si l’intérêt général majeur oblige dorénavant le juge et l’administration à travailler autrement. Le droit se fabrique et se construit, ça veut dire qu’il faut travailler très en amont ».
  • Intégrer les résultats des études d’impacts : « L’intérêt général majeur, c’est abstrait et il y a aussi plusieurs intérêts généraux qui se valent. Celui de l’agriculture vaut autant que celui de l’environnement : nous sommes donc à égalité », explique l’experte. La « preuve des chiffres » est donc essentielle.
  • Bien distinguer le droit français du droit « mou » : « Les PTGE (2) c’est du droit mou, tous les plans d’actions sur l’eau aussi […]. Tout cela, ce n’est pas du droit, mais il existe cette antichambre du droit, qui fait que l’écriture du droit est par la suite modifiée », traduit Carole Hernandez Zakine. Celle-ci cible plus particulièrement l’échelle territoriale : « La loi n’a pas posé de cadre d’écriture au Sdage (3) et au Sage. Il est indispensable d’avoir un travail législatif français pour cadrer les travaux locaux […] autour de l’intérêt général majeur de l’agriculture ».

Aller jusqu’au contentieux

Les associations spécialisées de la FNSEA se préparent aussi aux suites possibles de ce combat juridique. « Si on a des études de volumes prélevables qui n’intègrent pas les études d’impacts socio-économiques agricoles, alors oui, on va devant le juge et on dit : attention, vice de procédure », explique Carole Hernandez Zakine.

La juriste en droit de l’environnement évoque même la possibilité d’une « mise en responsabilité de l’État pour préjudice majeure ». Et elle insiste : « Certains n’hésitent pas à aller devant les tribunaux […]. Je suis admirative de la force créatrice du droit du côté des militants écologistes. […]. Pourquoi est ce que nous, on hésite ? Osons un contentieux innovant ! ».

(1) Schéma d’aménagement et de gestion des eaux

(2) Projet de territoire pour la gestion de l’eau

(3) Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux