Y aura-t-il une cinquième retenue d’eau à La Clusaz ? Le projet divise. L’enquête publique a recueilli 76 % d’avis défavorables sur 1 870 contributions, majoritairement des habitants du territoire. La mairie parle d’un « réservoir de 150 000 m³ affectés à l'eau potable et à la production de neige de culture », profitant aussi à « l’activité pastorale ». En réalité, le ski prime avec 98 000 m³.
Le quota de 50 000 m³ pour l’eau potable n’était même pas prévu initialement. Aucun volume fixe n’est alloué à l’élevage. La Confédération paysanne enrage de voir l’agriculture prise comme « alibi ». Éleveur alpagiste, élu du syndicat et de la communauté de communes, Jean Vulliet est catégorique : « Ce projet a peu d’impact direct sur l’agriculture. Là où elle est prévue, la retenue ne desservira pas les unités pastorales. »
Qualité sanitaire
Autre souci : la qualité sanitaire. L’eau qui remplira la réserve proviendra d’un captage d’eau potable… mais perdra sa potabilité en stagnant à l’air libre. « Sans traitement UV, on ne pourra pas l’utiliser pour l’abreuvement des vaches, ni le lavage du matériel de traite en AOP et IGP », estime Gilles Châtelain, président de la Coordination rurale locale.
Quatre réserves (271 000 m³ cumulés) existent déjà, affectées à l’enneigement artificiel. « L’été dernier, elles ont dépanné les éleveurs du secteur, souligne Cédric Laboret (FDSEA), le président de la chambre d’agriculture. Mais il faut un vrai travail sur le partage de la ressource. » D’autant que l’eau stockée en surface s’évapore. En plus des 148 000 m³ pour remplir la nouvelle retenue, il est donc prévu de prélever 50 000 m³ d’eau potable en plus pour pallier l’évaporation des cinq réserves.
« Préserver le tourisme sans sacrifier l’agriculture »
« L’impact du projet est surtout indirect, reprend Jean Vulliet. Il s’agit de développer le tourisme hivernal en créant entre 3 000 et 5 000 lits. Le foncier est déjà rare en vallée. Et le coût du logement explose. Il faut préserver le tourisme sans sacrifier l’agriculture. Doit-on s’acharner à enneiger à 1 500 m ? » Plus que la création d’une réserve, c’est aussi le développement effréné du tourisme qui inquiète Gilles Chatelain.
« Pour capter le maximum de clientèle, les communes se font concurrence au lieu de travailler ensemble, regrette-t-il. La pression s’accélère sur les réseaux d’eau potable et d’assainissement des villages dont la population est multipliée par dix pendant la saison ! » Cependant, peu d’agriculteurs s’opposent au projet. L’industrie du ski, qui emploie de nombreux doubles actifs agricoles, est nécessaire, mais parfois aussi délétère.