« La FCO, c’est un peu comme le loto », a schématisé David Ngwa-Mbot, vétérinaire et animateur de la commission bovine de GDS France, ce mardi 7 octobre 2025 lors d’une conférence au Sommet de l’élevage. L’image est parlante : lorsqu’il apparaît, nous ne connaissons pas la variabilité de l’agressivité d’un nouveau virus comme celui de la fièvre catarrhale ovine (FCO), ni ses capacités de diffusion. « Il est donc difficile de savoir quel niveau de contraintes appliquer, appuie-t-il. Il ne faut pas mettre des mesures trop contraignantes qui vont tuer le commerce si la maladie n’a pas d’impact sur les animaux. »

« à l’inverse s’agissant de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), le fait qu’elle était jusqu’à présent absente du territoire national, qu’elle soit catégorisée comme la plus à risque par la législation européenne et surtout parce qu’elle engendre des conséquences aussi, voire plus importantes que la fièvre aphteuse, il ne faut pas lésiner sur les mesures à déployer », insiste David Ngwa-Mbot.

Accepter l’incertitude

Alors, selon lui trois éléments clés sont à prendre en compte pour mettre en place une stratégie de lutte contre une maladie : la gravité du danger, sa fréquence, et le potentiel de non-détection du danger. « Nous avons de plus en plus de mal à accepter l’incertitude, constate David Ngwa Mbot. Mais il faut être humble face à la biologie. Nous faisons avec les moins mauvaises solutions dont nous disposons. »

Cette imprévisibilité de la diffusion de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) pousse les experts à proposer « des mesures très contraignantes vis-à-vis d’un très faible nombre d’élevages lorsque la maladie est détectée, plutôt qu’être trop souple et la laisser diffuser ». Et pour cause, l’origine de la DNC reste inconnue. Son apparition peut donc « se reproduire ailleurs à n’importe quel moment, tant que nous n’avons pas identifié par quel moyen [la DNC] est arrivée en France », appuie le vétérinaire.

Des dégâts potentiellement plus conséquents

Les mesures réglementaires sont définies en tenant compte des conséquences de la maladie et du niveau de propagation aux animaux. Pour comprendre autrement l’intérêt de telles mesures, l’arbitrage se fait entre contraintes et impacts économiques. « Si la mortalité moyenne de la DNC est de 5 à 10 %, et que nous avons abattu près de 2 % des animaux dans la zone des Savoies, nous avons tout de même gagné a minima 3 %, calcule le vétérinaire de GDS France. Ramené aux 17 millions de bovins présents en France, c’est énorme sur le revenu de la ferme France, ce n’est pas négligeable du tout. »

Car pour lui, les dégâts auraient pu être bien plus conséquents, sur le plan sanitaire comme économique. « Nous avons tendance à oublier que les maladies contagieuses ont une dynamique exponentielle. Malheureusement, on s’accroche à ce qu’on peut mesurer facilement, comme le coût d’un test ou du dépeuplement, alors que cela impacte toute une structuration de filière qui a besoin de tourner. »

Pour le vétérinaire, la stratégie adoptée par la France en application de la réglementation européenne vise à rendre le risque nul. « Nous sommes toujours en retard dans la gestion d’une maladie, c’est normal, appuie-t-il. Mais utiliser plusieurs outils complémentaires, comme la vaccination, le dépeuplement, et les restrictions de mouvements, permet de réduire au maximum les trous dans la raquette. »

« Nous n’avons jamais été aussi réactifs »

Ce travail rapide et collectif entre éleveurs, vétérinaires et acteurs de la filière, a semblé porter ses fruits pour ralentir l’évolution de la DNC. « Nous n’avons jamais été aussi réactifs sur le terrain. Face à une crise d’une telle ampleur, la France n’a jamais fait preuve d’une gestion de crise aussi rigoureuse que celle de la dermatose nodulaire contagieuse. » En parallèle, l’accompagnement psychologique des acteurs de la filière, et en premier les éleveurs et vétérinaires, a été mis en avant durant la conférence. « Ce sont des situations dramatiques », affirme David Ngwa-Mbot. Un vétérinaire dans la salle témoigne de dépeuplements auxquels il a dû assister. « Ce n’est pas humain de réaliser les abattages à domicile, c’est une horreur, confie-t-il. Ça laisse un traumatisme, une plaie qui sera ouverte pour des années. »