« Les chasseurs ne doivent plus payer l’intégralité des dégâts aux cultures agricoles, même si je soutiens que ceux-ci doivent continuer à l’être, mais plus par nous. » Au palais des Papes d’Avignon, Willy Schraen a rendu son office. Le président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) a critiqué un dispositif d’indemnisation des dégâts de gibier jugé en bout de course lors du congrès annuel des chasseurs qui s’est déroulé les 19 et 20 mars 2025 dans la cité des papes.

25 000 chasseurs en moins cette année

L’augmentation des populations de sangliers et la diminution du nombre des chasseurs ont eu une incidence sur la quantité de dégâts à indemniser ces dernières décennies, constate la FNC. Depuis l’accord signé en 2023 entre les chasseurs, des représentants de la profession agricole et l’État, la situation s’est améliorée. À cette occasion, le gouvernement a abondé un fonds de 80 millions d’euros pour les fédérations départementales des chasseurs et s’est engagé à prendre des mesures réglementaires pour réduire les dégâts.

Mais ce n’est qu’une accalmie, selon Willy Schraen. « Si la situation s’améliore, depuis deux ans, nous savons aussi que ce ne sera malheureusement que de courte durée, car nous constatons, depuis le Covid une diminution annuelle des effectifs des chasseurs », prévient-il.

« Une banqueroute de nos fédérations »

Selon ses comptes, si les chasseurs ont prélevé 863 000 sangliers lors de la saison 2023-2024, ils ont aussi vu leur nombre d’adhérents diminuer de 25 000 cette année. Ce sont autant de chasseurs en moins pour contribuer par leurs règlements au financement des fédérations départementales et donc indirectement à l’indemnisation des dégâts de gibiers qu’elles prennent en charge. Cela « ne fait qu’accroître la pression financière sur ceux qui restent », résume le président de la FNC.

« Les montants des indemnisations sont élevés, atteignant environ 90 millions d’euros en 2022-2023, après avoir dépassé les 100 millions d’euros en 2021-2022. Si rien n’est fait, nous allons vers une chasse réservée à une élite financière, et surtout, tout droit vers une banqueroute de nos fédérations », alerte-t-il. Confrontée à « une crise du pouvoir d’achat », une partie des chasseurs ne peut plus se permettre de chasser les grands animaux, et en particulier le sanglier ».

Le « non-paiement des petits dossiers » d’indemnisation est envisagé

Devant cette situation, Willy Schraen appelle à « une réforme globale et durable du financement des indemnisations aux agriculteurs. Je compte bien, en concertation avec les professionnels agricoles qui sont nos partenaires, profiter de l’intérêt de certains parlementaires pour avancer d’un point de vue législatif sur ce dossier crucial », a-t-il indiqué.

Le patron des chasseurs a notamment cité les propositions du sénateur Laurent Burgoa (Gard, Les Républicains) et de la députée Stéphanie Galzy (Hérault, Rassemblement national). Le premier a déposé en juin 2024 une proposition de loi pour « réformer et à moderniser le régime d’indemnisation des dégâts de grand gibier ». La seconde a participé en septembre 2023 la proposition de loi « visant à retirer le droit à indemnisation des dégâts du grand gibier sur les terrains dont les propriétaires ont refusé l’accès aux chasseurs ». Deux textes qui n’ont pas dépassé l’étape du dépôt et dont l’examen n’a jamais été fixé à l’ordre du jour du débat parlementaire.

Willy Schraen a présenté devant les congressistes la position qu’il allait défendre sur la base d’une motion votée lors du congrès : le non-paiement des « petits dossiers » d’indemnisation pour la saison 2025-2026, voire la remise en cause de l’accord conclu avec les représentants agricoles et l’État à la suite de l’amputation d’une partie de la somme que l’État avait prévu dans son plan d’accompagnement. Une réduction de budget que la FNC évalue à 5 millions d’euros en moins en 2024 et en 2025. « Je ne manquerai pas de m’appuyer sur cette motion, en toute transparence, pour convaincre mes interlocuteurs de l’impérieuse nécessité d’agir », a-t-il conclu.

Ces « petits dossiers » concernent ceux que les fédérations de chasseurs n’avaient pas à indemniser avant la réforme du calcul de l’indemnisation qui trouve sa source dans l’accord de 2023, indique la FNC. Un seuil de 150 € d’indemnisation cumulés par exploitation et sur l’année cynégétique (entre le 1er juillet et 30 juin) avait depuis été mis en place.

« La règle précédente était plus restrictive car l’approche était à la parcelle avec un premier critère de surface détruite au moins égal à 3 % de la surface totale de la parcelle et si ce premier critère n’était pas rempli, alors un second critère financier d’au moins 230 € de dégâts rentrait en compte (ou 100 € pour prairie) », précise la FNC.