« Nous cherchons à rendre à l’agriculture ses lettres de noblesse tout en favorisant une industrie textile vertueuse », résume Aurore Cottrel. Cette agricultrice de Salouël (Somme) travaille avec Arnaud Besnier, cultivateur à Villers-sur-Mer (Calvados), sur l’itinéraire technique. Le projet consiste à relancer la culture pour valoriser feuilles, graines et racines du pastel des teinturiers. Une tradition régionale puisque la Normandie aurait été un bassin majeur de commerce d’Isatis tinctoria au XVIe siècle.
Une crucifère biannuelle
« Faisant suite à la fermeture de la sucrerie de Cagny, je cherchais une nouvelle tête d’assolement, explique Arnaud Besnier. Mais je n’avais guère d’information sur la culture de cette crucifère biannuelle. » Pour lui, « c’est mieux que de la betterave car il n’est pas nécessaire d’utiliser une mécanisation spécifique et la culture reste en place pour deux ans ». Il construit depuis trois ans un itinéraire technique adapté à la Normandie. Ainsi, « le semis peut être réalisé au début d'octobre ou en mars-avril afin de privilégier la production de pigment ou d’huile », détaille-t-il.
Les conditions de semis apparaissent prépondérantes car le pastel n’aime pas les sols tassés. Aussi une charrue ou un outil à dents sont utilisés sur une profondeur de 15 à 18 centimètres pour faciliter l’implantation du pivot racinaire. « Nous avons essayé tous les types de semoir pour finalement retenir un semoir en ligne conventionnel qui est couplé à une herse rotative, confie Arnaud Besnier. Manquant de recul sur les exigences de cette culture, il apporte 60 à 80 kg d’engrais 18/46 au semis et environ 60 unités d’azote par la suite.
Peu exigeant en eau
« Le pastel est également peu exigeant en eau, assez rustique et résistant, note Arnaud Besnier. Notre objectif est de maîtriser les intrants. Nous évoluerons sans doute vers le bio » Un seul herbicide est par ailleurs homologué. En première année, « le rendement en feuille peut aller jusqu’à 30 t/ha en 4 à 6 coupes. Celles-ci sont espacées de 4 à 6 semaines d’avril à octobre, annonce l’agriculteur. Nous atteignons un rendement en graines de 1 à 2 t/ha en juin l’année suivante ». Ils estiment le coût de production de 1 200 à 1 300 €/ha pour les deux années.
L’aventure ne s’arrête pas là pour Aurore Cottrel et Arnaud Besnier qui cultivent 4 ha cette année. Deux autres agriculteurs de la plaine de Caen se sont lancés sur 3,5 ha. L’objectif est d’atteindre 260 ha en 2027. « Nous prévoyons d’acheter les feuilles 120 €/t », informent-ils.
Soutenus par la Région Normandie, ils sont engagés dans l’aval avec leur société Blue & Pastel. Un pilote d’extraction est en cours de brevetage. « Le pigment brut offre un premier marché destiné à l’art et la décoration, explique Aurore Cottrel. L’objectif est d’offrir des pigments aux caractéristiques adaptées aux différents usages textiles, cosmétique ou encore alimentaire. » La graine fournit une huile utilisée en pharmacie et cosmétique et les propriétés des racines sont à l’étude.
(1) Pour en savoir plus : www.bluepastel.fr.