Des drapeaux jaunes dans les rues, pour des bulletins dans l’urne. Au congrès de la Coordination rurale à Poitiers (Vienne), ce mercredi 20 novembre 2024, l’ambition est claire : s’affirmer comme un syndicat indispensable à l’agriculture française. Dans le viseur du deuxième syndicat agricole de France : les élections professionnelles des chambres d’agriculture de janvier 2025, où la Coordination rurale pourrait bien rafler quelques institutions locales. Cet enjeu s’est glissé jusque dans les paroles d’une musique qui tourne en boucle dans l’auditorium : « Avec Véronique et son équipe pour faire briller nos champs », « On gagnera ces élections, la victoire est ici ».
Déjà très mobilisée sur les routes cet hiver, la Coordination rurale veut continuer les manifestations, jusqu’à obtenir des « réponses concrètes », appelait de ses vœux Véronique Le Floc’h, présidente du syndicat, au moment de la clôture du congrès. Les militants indiquent déjà à Rouen, un bateau à l’arrêt, en Belgique, une frontière bloquée, et devant le palais des congrès à Poitiers, des pneus attendent d’être déversés.
Mobilisations
La question de la méthode des mobilisations s’est imposée dans le débat avec le philosophe Michel Onfray, invité à discuter sur scène de la souveraineté alimentaire. La présidente assume un mode d’action coup de poing, encouragé par Michel Onfray : « Si vous avez une stratégie de paralysie du pays, vous aurez la France derrière vous. » L’essayiste a d’ailleurs coécrit avec Véronique le Floc’h sous forme de correspondance, un livre qui sortira en janvier 2025, dans un timing concordant avec les élections des chambres d’agriculture, au nom évocateur « Entendez-vous dans nos campagnes ».
Les coopératives en ligne de mire
Arrivée au pupitre sous les airs de la musique de Rocky, la présidente de la Coordination rurale, qui a entamé un tour de France agricole ces derniers mois, a été chaleureusement applaudie par environ 300 adhérents. Selon elle, le combat du syndicat se résume en deux idées : « avoir du revenu et ne pas être embêté ». Pour y répondre, l’exploitante cite par exemple la création d’une loi sur les coopératives. « Il faut que la politique nous arme face à l’amont et l’aval, face à tout le para-agricole. Au lieu d’être nos alliés, ils nous plombent toujours plus », accuse Véronique Le Floc’h.
Comme mesure d’urgence, la suspension des prélèvements de MSA pourrait être envisagée. Sur le revenu, le syndicat prône de baisser les charges, en passant par un bouclier énergétique avec des plafonds. Pour abaisser le coût de la main-d’œuvre, le TO-DE, exonération de cotisations pour l’emploi de saisonnier, devrait s’appliquer jusqu’à 2 Smic (contre 1,25 Smic actuellement) et s’appliquer aux services de remplacement et aux salariés des Cuma.
Sémantique propre à la Coordination rurale, le syndicat demande d’imposer « l’exception agriculturelle », « principale arme de défense » contre la concurrence déloyale, avec « plus de régulation des produits qui nous protégerait du marché ». Le syndicat veut aller plus loin que les clauses miroirs, dont leur présidente estime qu’elles « s’avèrent être de la démagogie ».
Un syndicat où on est « libre »
D’aveux d’adhérents plutôt en perte de vitesse ces dernières années, le syndicat espère prendre un nouveau souffle, contre une « cogestion » supposée entre le syndicalisme majoritaire et les institutions (étatiques comme paragricoles). Un argument plusieurs fois cité comme une raison de s’engager à la Coordination rurale par les adhérents présents.
Ce syndicat est d’ailleurs, pour Florian Dirand celui qui l’a encouragé à s’engager. Désormais président de la branche départementale de la Haute-Saône, le jeune exploitant en polyculture-élevage y trouve « plus de souplesse », là où, « à la fédération [NDLR. : la FNSEA] on a plus l’impression d’être un pion ». « On prend l’avis de tout le monde, il y a plus de liberté », abonde le trésorier de la branche départementale, Franck Bresson.
Il reste à savoir si les agriculteurs répondront présents dans les urnes des chambres d’agriculture, en janvier 2025. Car « cela reste compliqué pour mobiliser les gens à aller voter », concède Florian Dirand.