Blé et orge résistent grâce à l’affaiblissement de l’euro par rapport au dollar et à la rétention des producteurs en Europe et mer Noire. Alors que le colza recule, fragilisé par des ventes actives et des signaux baissiers sur les huiles, le soja s’enfonce à des niveaux historiquement bas, plombé par une offre abondante et des doutes sur la demande chinoise. Dans ce contexte, change, météo et tensions commerciales dictent le tempo des marchés.

Des prix du blé stables malgré une moisson bien avancée

La moisson de blé tendre est désormais largement achevée en France, à l’exception des régions bordant la Manche. Pourtant, les prix ne fléchissent pas. Au contraire, la cotation en rendu Rouen progresse de 1 €/t sur la semaine, atteignant 198 €/t base juillet.

Plusieurs facteurs conjoncturels continuent de soutenir les cours à court terme. En premier lieu, la chute marquée de l’euro face au dollar, passé de près de 1,1800 à 1,1400 au plus bas de la semaine, renforce la compétitivité du blé français à l’exportation. Cette évolution compense la légère détente observée sur les marchés internationaux.

Par ailleurs, le manque d’intérêt à la vente des producteurs en France, en Europe, en mer Noire et à l’échelle mondiale limite toute pression baissière sur les prix. En mer Noire, la moisson a repris après les dernières pluies dans le centre de la Russie. La qualité semble correcte, mais les prix n’amorcent qu’un léger repli, les flux portuaires restant insuffisants pour honorer les engagements déjà pris par les exportateurs.

Dans le nord de l’Europe, la récolte accuse un net retard en raison des pluies persistantes, de l’Allemagne aux pays baltes en passant par la Pologne. Cette absence relative sur le marché renforce la position du blé français, qui bénéficie d’une compétitivité accrue, presque par défaut.

Les chargements s’intensifient ainsi à Rouen, à destination du Maroc, de l’Afrique subsaharienne et de l’Égypte. Toutefois, la France n’est ni la seule ni la première à tirer parti de ce contexte : les exportations américaines tournent à plein régime, tandis que l’Argentine et l’Australie écoulent activement leurs stocks de fin de campagne.

Davantage de soutien en orge fourragère qu’en brasserie

Le marché de l’orge fourragère est resté relativement stable cette semaine, oscillant entre 184 et 186 €/t base juillet rendu Rouen. La prime fourragère, qui s’était nettement renforcée en début de mois grâce aux importants chargements vers la Chine, marque désormais le pas. Elle se maintient toutefois à –10 €/t, sans signe de repli.

Dans le sillage du blé, les prix des orges fourragères ukrainiennes ne reculent que très légèrement. La baisse de l’euro face au dollar, survenue cette semaine, a également offert un soutien bienvenu aux orges françaises, leur permettant de rester compétitives sur d’autres débouchés à l’exportation que la Chine.

Si la dégradation potentielle de la qualité des blés dans le nord de l’Europe constitue une menace pour les orges françaises, la réduction attendue de la récolte de maïs en Europe représente, à l’inverse, une opportunité. Le maïs, actuellement cher par rapport à l’orge, souffre d’un déficit d’importations en cette période de soudure : les disponibilités ukrainiennes sont épuisées, tandis que la récolte et la commercialisation brésiliennes accusent du retard.

Du côté de l’orge brassicole, les cours se tassent et perdent –4 €/t sur la semaine, à 212 €/t base juillet Fob Creil en Planet. Les échanges sont réduits. Les pluies régulières en Scandinavie retardent les moissons et menacent la qualité, mais les opérateurs, habitués à ce climat, ne montrent pas d’inquiétude excessive. L’attention se porte davantage sur l’arrivée d’une récolte française abondante et sur le ralentissement de la demande, tant en Europe qu’à l’international.

Situation plus mitigée sur le complexe oléagineux

Après une dynamique haussière amorcée à la mi-juillet, le marché du colza a inversé la tendance en milieu de semaine. L’échéance de novembre 2025 sur Euronext recule de 5 €/t sur la semaine, à 477,50 €/t. 

Face à des prix céréaliers toujours déprimés, le colza conserve un attrait économique qui incite les producteurs européens à vendre. Seules les intempéries répétées dans le nord de l’Europe viennent freiner cette pression vendeuse.

La baisse est toutefois limitée par la chute marquée de l’euro face au dollar (–3,4 % sur la semaine) et par un pétrole qui se maintient autour des 70 $ le baril à New York, soutenant le complexe des huiles végétales.

Mais des signaux de faiblesse émergent. Une vente inhabituelle d’huile de soja par la Chine à destination de l’Inde ébranle la solidité du marché des huiles. Le marché des tourteaux reste lourd, et le canola canadien pâtit des incertitudes liées aux négociations commerciales avec les États-Unis. Les conditions de culture s’améliorent également. Au 28 juillet, 68 % des cultures de canola en Saskatchewan sont jugées en bon à excellent état, contre 60 % deux semaines plus tôt.

En Europe, les opérateurs surveillent de près la situation ukrainienne. La récolte de colza est revue en baisse à 2,9 millions de tonnes selon Argus Media, son plus bas niveau depuis 2020. Toutefois, le retard dans l’application d’une taxe à l’exportation de 10 % stimule les ventes ukrainiennes à court terme.

Les prix du soja chutent à des niveaux historiquement bas

La pression reste forte sur le marché des tourteaux de soja. Pour la première fois depuis septembre 2017, les cours du tourteau en livraison rapprochée à Montoir sont passés sous la barre des 300 €/t cette semaine. Ce seuil symbolique reflète une tendance lourde, bien que le repli ait été partiellement contenu par la baisse marquée de l’euro face au dollar, désormais proche de 1,1400 contre 1,1800 une semaine plus tôt.

À l’inverse, sur le marché de Chicago, le renforcement du dollar pèse davantage. Les cours des tourteaux ont encore perdu 3 % cette semaine, atteignant leur plus bas niveau depuis avril 2016.

L’offre abondante en provenance de l’Amérique du Sud continue de peser sur les prix, tandis que les conditions climatiques restent excellentes aux États-Unis. La floraison du soja débute dans un contexte météorologique idéal : temps frais et humide sur la Corn Belt.

Dans ce climat baissier, la graine de soja elle-même s’enfonce sous les 10 $ le boisseau à la Bourse de Chicago. Les inquiétudes s’accentuent quant à la demande chinoise, alors que les engagements à l’exportation du soja américain pour la nouvelle campagne restent faibles. La situation est d’autant plus préoccupante que la Chine vient d’annoncer des mesures restrictives visant à réduire son cheptel porcin.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.

À suivre : négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine, retard dans les exportations de blé et orges en mer Noire et de maïs au Brésil, chute de la parité de l'euro par rapport au dollar, retard des récoltes sur le nord de l’Europe, conditions climatiques en Europe pour les cultures de printemps, retour de la demande et positionnement à l'exportation du blé français…